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 [Printemps 4602] Les enseignements d'Aton

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Eilífthar Heftharkona
Responsable d'Eilífth et D'
Eilífthar Heftharkona
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[Printemps 4602] Les enseignements d'Aton
posté le Mer 28 Juin - 17:04


Dernière édition par Eilífthar Heftharkona le Lun 10 Juin - 23:43, édité 2 fois


La missive arriva le second jour du début du Printemps. La journée précédente avait été particulièrement festive. De nombreux de chevaliers étaient venu de partout dans les terres nobles pour fêter l'événement au château. Des guirlandes de fleur avaient été tressées dans tous les lieux pour l'occasion. Il y avait eu un bal sous la verrière parmi les plantes en floraison grâce aux bons soins des elfes prodigués durant toute l'année. Les festivités s'étaient étendues en un banquet qui avait fait du bruit jusque tard dans l'année. Nul doute qu'une grande partie de la maison devait encore avoir été dans un sommeil profond lorsque la missive fut déposée sur le petit bureau de marqueterie, juste en face de la fenêtre, pour profiter des derniers rayons de soleil pour lire. C'est ainsi les premiers rayons du soleil, se reflétant sur la cire nacrée qui avait servi à la sceller dans l'attente qu'elle soit ouverte par son propriétaire légitime. Le nom inscrit en lettre d'or dessus, “Nilahiah Qel'Nêphtis”, indiquait sans la moindre hésitation la destinataire du message. En l'ouvrant précautionneusement, on pouvait ainsi lire le message qui y était inscrit :

« Lorsque le Soleil sera à son apogée, après le repas, vous êtes attendue à la salle d'enseignement pour votre premier cours de magie céleste. Il vous faudra vous rendre à la cathédrale et, sous le dôme dorée, vous prosternez devant la grandeur d'Aton. »

Le message était pur, informel, presque sec. Il n'y avait aucun rappel de la date, aucune signature, pas la moindre information supplémentaire qui aurait pu adoucir le message en le situant clairement.


Après une matinée et un repas du midi particulièrement calme, c'est tout un attroupement qui se forma au cœur de la cathédrale. Il s'agissait absolument d'un des lieux les plus chargés de décor de tout le château. Où que portait l'œil, c'était avalanche sur avalanche de dorure et de lourdes peintures, si réaliste que les personnes semblait presque s'en détacher. D'immense vitraux apportaient des fleuves de lumières mais cela ne semblait pas assez pour illuminer tous les coins colorés de couleurs flamboyantes des recoins du plafond. Juste au dessus, au milieu de la croix que formait la cathédrale, se trouvait un immense dôme transparents coloré d'or, à la base duquel, un œil perçant pouvait lire la délicate inscription “Seul s'élève celui qui s'abaisse”. En plus de Nilahiah, il y avait quatre des cinq autres écuyers principaux, ainsi que six autres elfes, plus en retrait. Cinq d'entre eux étaient des enfants de chevaliers nobles, l'un était même l'écuyer d'Arius, le propre frère du seigneur Noble ; la dernière était vraisemblablement une fille sans origine noble. Comme sensible à un écart assez important, ils restaient à l'écart des fils de seigneurs qui constituaient les écuyers d'Alrick le Noble, et encore plus de l'ange parmi eux. À vrai dire, la seule autre personne qu'il manquait était le premier écuyer, Elínór Honorable. Si Nilahiah fit l'erreur de poser question sur lui, elle fut mise en face des silences gênés des autres écuyers, qui n'osaient pas répondre. À cette question, ce serait étrangement à Ariadna de répondre, d'une phrase qui imposait le silence :

« Il a perdu la foi. »

Fort heureusement, une cloche résonna soudain au dessus d'eux, mettant fin à l'étrange tension qui commençait déjà à germer au milieu de la cathédrale, entre tant de jeunes elfes paralysés par l'attente. Faute d'Elínór, Ísrún s'avança la première, s'agenouilla au milieu de la lumière circulaire projetée sur les mosaïques par le dôme et prononça à haute voix :

« Je m'incline devant Aton. »

La lumière sembla alors se rapprocher d'elle comme pour l'enlacer, la faisant briller comme une étoile. Puis, sous l'effet d'un sort posé là il y a longtemps, par les esprits les plus pieux qu'Abyndal eut porté, Ísrún commença à s'élever dans la lumière, portée par la force de sa foi et fut retirée à la vue des yeux émerveillée qui la regardaient. Tous durent reproduire ce phénomène. Ils brillaient plus ou moins fort, s'élevaient plus ou moins vite, plus ou moins stablement, cependant tous réussirent à monter. La lumière les déposa à chaque fois sur une sorte de balcon circulaire qui supportait le poids du dôme et était invisible depuis en bas. Alors, une seule porte s'offrait à eux, une porte en bois assez sombre, sans réellement d'élégance. Elle s'ouvrait sur une salle allongée, juste sous les toits de la cathédrale, éclairé par la douceur bleu du ciel qui paraissait traverser le toit. Douze bureaux étaient alignés en deux files de six, autour d'une allée centrale marquée au sol par une mosaïque en trompe-l'œil présentant des anges sortant d'une fenêtre. Aimable, Ísrún guida Nilahiah jusqu'au premier bureau d'une file, tandis qu'elle s’asseyait à l'autre. Sur chacun des bureaux, il y avait deux livres : l'un était posé sur un présentoir, ouvert à une page bien précise, tandis que l'autre était ouvert à une page vierge, à côté d'une plume. Avant de s'asseoir, Kasperaton, qui était assis derrière elle jeté un coup d'œil au livre de son présentoir à elle et lâcha :

« Hum, le livre de Sainte Árveig du Nord, c'est un livre assez agréable pour commencer. Moi, j'ai celui de Saint Metrophanes de la Tour. »

Chacun, une fois attablé, prenait la plume et commençait à copier avec application les lettres du livre posé devant lui. Dans le Culte d'Aton, il existe de nombreux livres. On dénombre cinq livres originels ayant été écrits par les cinq séraphins qui descendirent sur Abyndal porter la voie d'Aton. Ceux-ci abordent des thèmes divers et ont des ambitions et des personnalités différentes. À ceux-là, il convient d'ajouter une multitude d'autres livres ayant été écrits par les Saints Blancs des différentes époques et évoquant des thèmes encore plus divers, certains s'apparentant à de belles biographies et d'autres à de véritables traités de morale ou de magie technique. La Catabase de Sainte Árveig était une belle biographie. Il s'agissait du récit de la vie de la Sainte, de comment elle était descendue des lointaines terres septentrionales de HiminsVetur pour accomplir son destin et allier les peuples elfiques pour mourir glorieusement en repoussant les démons qui avaient envahi les terres du Sud. La page à laquelle était ouverte le livre se situant dans la première partie. Il s'agissait, plus précisément de la scène d'adieu à sa famille, lorsque, visitée par un sentinelle, elle décidait de le suivre et de rompre le lien qui l'unissait avec le destin de son clan. C'était l'une des scènes les plus émouvantes où elle faisait face au refus de sa mère face à cette implication dans des guerres qui n'étaient pas les leur et l'annonce de sa mort prochaine, par le sorcier du clan, de son démembrement par les démons si elle s'entêtait à poursuivre cette voie. C'était un moment doux et cruel où la Blanche se retrouvait forcée de faire un choix, un habituel confortable ou un autre monde qui révolutionnerait son destin.
C'est une autre cloche qui annonça la fin du cours. Elle fut immédiatement ponctuée de soupir de soulagement de part et d'autre de la classe, tandis que tout le monde se levait, abandonnant l'encre et les mots à peine entamés. Tous avaient des expressions différentes. Kasperaton se plaignait d'un mal de tête, Ísrún avait l'air un peu sombre et ramassait silencieusement ses affaires, Aridna avait les yeux rouges et semblait avoir pleuré. Dans ce remue-ménage où plus personne ne faisait vraiment attention, chacun se hâtait vers la sortie. Pjetur, vint alors voir Nilahiah, lui avouant :

« C'est pour ça que je voulais que tu m'enseigne la magie. C'est impossible d'apprendre quoi que ce soit en recopiant de vieux livres ! Tu… tu es toujours d'accord ? »

Tout le monde s'était déjà hâté vers la sortie, même un Kasperaton complètement fatigué. Il ne restait plus qu'eux deux. La logique aurait voulu qu'ils sortent aussi tout les deux, cependant, l'instinct murmurait avec raison à l'oreille de Nilahiah que le vieux Théo viendrait vérifier lui-même ce que chacun avait écrit. Pjetur regardait autour de lui, en attendant la dernière écuyer :

« Tu… tu viens ? Je… je ne… je n'aime pas vraiment… l'ambiance… cet endroit. » demandait-il d'une voix plaintive, devenant presque un murmure à la fin de sa phrase.
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Nilahiah Qel'Nêphtis
Nilahiah Qel'Nêphtis
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Re: [Printemps 4602] Les enseignements d'Aton
posté le Mer 5 Juil - 7:37


J’avais progressivement pris part à l’ambiance festive qui annonçait les premiers jours du Printemps et le retour du seigneur Noble dans sa demeure. Bien que la gaieté générale gagne mon âme, j’étais restée toutefois à la place qui était la mienne, celle d’une écuyère. Il y eut encore de nombreux regards interrogateurs jetés sur moi, mais je tâchai de n’y voir aucun mal, et durant l’Hiver, ceux-ci s’estompèrent comme la neige sous le soleil. Les paroles du Vieux Théo germaient encore en moi, mes questions restées sans réponses pendant ces courtes journées hivernales et je m’efforçais de rechercher Aton dans ce quotidien qui était devenu le mien. Toutefois, ces derniers jours, l’occasion ne s’était pas présentée de rencontrer le vieil Ange. C’est par un matin délicatement baigné des ardents rayons du soleil que je reçus une missive, déposée à mon intention dans ma chambre. Mon nom y était inscrit en lettres d’or d’une beauté puisée dans la Lumière du Tout-puissant. Je l’ouvris et y découvris le message qui m’était livré. Nulle signature, mais son auteur n’avait pas besoin de se signer. « Votre premier cours de magie céleste ». Il s’agissait forcément du Vieux Théo et de l’invitation qu’il avait évoquée. Relisant plusieurs fois la missive, je gravai les informations capitales dans ma mémoire. La cathédrale. Le dôme. Se prosterner devant Aton.

Lorsque l’heure fut venue, je me rendis jusqu’à la cathédrale et je fus étonnée de constater que tout un attroupement s’était formé en son sein. Je pénétrai dans l’immense bâtisse. D’extérieur, elle conservait une certaine sobriété, de par la pierre qui la composait. A l’intérieur, presque aucune pierre n’était visible. Ce n’étaient que dorures, peintures, tentures et autres décorations. Et le dôme, merveille aux reflets d’or, s’élevait vers le ciel et baignait la cathédrale de sa douceur ambrée. Je me tenais entre Pjetur et Ariadna, observant les différentes personnes réunies dans le chœur de la cathédrale. Des Hauts-Elfes, nobles et roturiers, et les écuyers du seigneur Alrick. Tous exceptés Elínór Honorable. Se pensait-il au-dessus d’Aton pour ne pas avoir à recevoir son enseignement ? J’interrogeai à mi-voix Pjetur sur cette absence, et ce fut Ariadna qui me répondit, brisant le silence gêné des autres écuyers. Décidemment, tout m’éloignait du descendant Honorable, et je le comprenais de moins en moins. Comment peut-on perdre la foi ? Malgré toutes ces épreuves que j’avais vécu, qui m’avaient menée loin de chez moi, je gardais Aton auprès de moi. Il était ma motivation, mon soutien, et celui qui pansait mes plaies.

Une cloche sonna et j’observai la scène. Chacun s’agenouillait dans le berceau de lumière formé par le Dôme, puis prononçait les paroles qui lui permettraient de s’élever dans les airs. Mon tour vint et je m’exécutai avec piété. Lorsque je fus devant la porte de bois sombre, dont la sobriété contrastait avec l’ensemble du mobilier de la cathédrale, toute inquiétude se volatilisa. Aton était présent derrière cette humble porte, j’en avais la certitude. Je me sentais comme envahie d’une grande confiance et, du coin de l’œil, je crus percevoir mes ailes scintiller d’une blancheur plus éclatante que d’ordinaire. La petite troupe poursuivit son chemin jusqu’à la salle où douze bureaux étaient alignés. Je remerciai Ísrún qui me plaça et m’installai devant le bureau qui m’était destiné. Les quelques paroles de Kasperaton confirmèrent ce que je pensais. L’enseignement du Vieux Théo exigeait que nous copiions ces grands ouvrages du Culte d’Aton. J’avais donc pour tâche de copier La Catabase de Sainte Árveig du Nord, biographie d’une Sainte Blanche. Au début, j’eus quelques difficultés à manier la plume, celle-ci n’étant pas tout à fait semblable à celles que les Anges utilisent pour écrire. Toutefois, je travaillai le geste de telle sorte que je pus retrouver une graphie parfaitement maîtrisée. J’appris ainsi quelle était la vie de Sainte Árveig. Ce récit fut poignant. Particulièrement le choix qu’avait fait la Sainte Blanche de donner sa vie pour les peuples elfiques et sa volonté de lutter contre les démons. Je copiai avec émotion cette déchirante scène d’adieu à sa famille, voyant se dessiner devant mes yeux plissés par la concentration les personnages de cette histoire. Le refus de la mère me rappelait inévitablement la mienne. Le clan m’évoquait le Synode. Et cette Sainte Blanche qui voyait sa destinée bouleversée par un choix à faire me fit penser que le Vieux Théo n’avait pas laissé le hasard déterminer les livres à copier. Il y avait ici un message à mon intention. Un enseignement à méditer.

Le cours prit fin et chacun ramassa ses affaires. Moi-même, j’étais encore dans un certain état d’hébétude, cherchant encore à comprendre à quel choix de ma vie ce récit faisait écho. S’agissait-il de mon choix d’avoir défendu un plus petit ? Ce choix qui m’avait opposé à ceux de mon « clan » et valu la déception de ma mère. Ou bien s’agissait-il de mon refus d’accompagner Dame Deiphyle ? Ce choix que j’avais fait qui m’avait un peu plus éloignée de ma famille. La certitude que je conservais était la suivante : ces deux choix m’avaient menée sur une voie qui m’apparaissait être celle d’Aton.

Pjetur vint me trouver alors que je ramassais mes affaires, faisant sécher la dernière page copiée. Nous étions seuls et il m’exprima son désarroi et sa perplexité. Je posai une main bienveillante sur son épaule et le forçai à soutenir mon regard.


« Pjetur, je tiendrai avec toi cette promesse que je t’ai faite. Mais tu dois également continuer de suivre cet enseignement. Ces vieux livres, comme tu les appelles, sont d’une richesse inestimable. Avec le temps, tu en percevras l’utilité. Moi-même, j’ai encore du mal à saisir ce qu’Aton nous laisse comme héritage à travers ces pages, et chaque lecture doit être différente et nous apporter un enseignement différent. Mais, Pjetur, recopier ces livres, c’est s’imprégner des paroles d’Aton. C’est nous permettre d’arpenter la voie derrière ceux qui nous ont laissé ces textes. Je comprends ton désarroi. Je t’enseignerai de bon cœur la magie, même si cet enseignement se révèle ardu, et tu dois chercher dans ces livres les bonnes paroles d’Aton. Sans Aton, nous ne pourrions bénéficier de sa douce magie. »


Au fil de mes paroles, je m’étais éloignée de Pjetur, désignant les livres d’un geste ample de la main. Lorsque l’écuyer eut écouté tout ce que j’avais à dire, il me demanda d’un ton mal assuré si nous pouvions partir. Sans même me tourner vers lui, je répondis d’un ton distant :


« Pars devant, je te rejoins. J’aimerais jeter un œil à tous ces ouvrages. Je n’en ai pas pour longtemps, tu peux partir l’âme tranquille. Nous pourrons nous retrouver demain si tu le souhaites, pour commencer ton initiation à la magie céleste. »


Je n’attendis même pas de savoir s’il était parti pour me mettre à regarder chaque pupitre. Kasperaton avait imité à la perfection les symboles pour les placer sur le papier blanc. Aussitôt, la curiosité l’emporta et je me dirigeai vers la table qui avait été voisine de la mienne. Ísrún avait-elle mis son âme dans sa plume ? Quel ouvrage lui avait donc été destiné ? Alors que je frôlais du bout des doigts la couverture du livre saint, un bruit me fit sursauter. Des pas retentirent sur le sol de pierre, des pas légers mais lents. Je reposai aussitôt l’ouvrage sur son présentoir. Quelque chose m’avait retenue ici, plus que ma curiosité. J’espérais inconsciemment voir surgir le Vieux Théo et, comme l’avait dit Pjetur, qu’il me donne un enseignement plus concret. Lorsque je relevai les yeux et me retournai pour voir qui approchait, je me rendis compte que la silhouette que j’avais prévu d’attendre me faisait déjà face. Surprise, les yeux écarquillés, je bafouillai comme une enfant, presque honteuse d’être surprise sur le fait :


« Pardonnez-moi, je… je pensais … je voulais simplement regarder quels ouvrages étaient copiés. Ils sont d’une grande richesse. Je ne savais pas s’il était possible d’attendre ici après la leçon… »
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Eilífthar Heftharkona
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Eilífthar Heftharkona
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Re: [Printemps 4602] Les enseignements d'Aton
posté le Dim 16 Juil - 19:12

Pjetur semblait bien mal-à-l'aise dans cet environnement mystique. Sa stature se tassait presque alors qu'il regardait autour de lui avec crainte. Il guettait chaque coin et recoin, de peur de voir quelque chose ou quelqu'un soudainement surgir. La soudaine louange que Nilahiah avait adressée aux livres avait déstabilisé le léger confort qu'il s'était auparavant fait de la présence de son ami. Il venait juste d'être congédié, sans souci pour ses propres inquiétudes et restait, craintif, sur le pas de la porte. Cependant, alors que l'ange s'approcha du livre abandonné par Ísrún, il finit par s'enfuir à pas rapides. Ce livre en question, à la couverture rouge assez rudimentaire avait été refermé soigneusement par sa précédente propriétaire. Seul le titre, tracé en lettres noires, apparaissait : “Mes démons”. Il n'y avait pas davantage d'informations, pas même d'indication sur le saint ou la sainte qui avait pu l'avoir écrit. La texture de la couverture était particulière rugueuse et blessait presque les mains fragiles qui le touchait. On aurait dit qu'il s'agissait d'un livre qui ne voulait pas qu'on le lise. Cependant, une fois ouvert, il révélait un nom au lettres d'or, inscrit juste au dessous de la couverture, en haut à gauche, comme pour désigner un propriétaire : “Angelina”. En face, en lettres simples, sans enluminure, le texte commençait immédiatement : « Ruffian, tu es parti. ».
Cependant, avant que la curieuse ne put continuer sa lecture, des pas lents s'annoncèrent à la porte et la coupèrent dans sa lecture. C'est une silhouette large, écrasé sous le poids d'un fardeau caché par une cape qui se présentait à la porte. La présence du vieil individu secoua assez la jeune ange pour a faire balbutier des paroles d'excuses. Pourtant, celles-ci ne firent naître qu'un sourire entre l'épaisse moustache et la longue barbe du vieillard et celui-ci la rassura bien vite :

« Tu n'as pas à t'excuser de ta recherche du savoir car c'est un acte noble, cependant ce livre-ci n'est pas celui qui te conviendrait. J'espérai justement que tu serais là. Aide-moi à porter une partie de ces livres, je vais te montrer un endroit encore plus intéressant. »

Lui-même pris deux-trois ouvrages à sa portée et s'avança le long de l'allée centrale, passant à coté de Nilahiah et continuant à avancer jusqu'au mur nu, agrémenté uniquement de deux étendards de chaque coté. Le plus naturellement du monde, il éleva alors la voix pour prononcer une citation tout droit extraite d'un des cinq livres principaux du culte d'Aton, “Le Livre du Disque Céleste” :

« Le savoir plaît au Disque, car il permet de tenter de s'approcher de son immensité. »

Inspirée par sa foi, l'une des pierres du mur s'illumina d'une lueur dorée, agréable, chaleureuse. La main ridée du maître des lieux appuya simplement sur elle, activant un mécanisme secret. Dans le fracas du grincement des pierres, le mur s'ouvrit finalement à son tour, révélant une autre pièce, illuminée par une petite fenêtre carrée face au soleil du soir. Les longs murs de ce nouvel endroit étaient recouverts de larges étagères en bois massif sur lesquels s'alignaient des livres de tailles et de couleurs différentes. Tout-au fond, sous la fenêtre carrée, trônaient cinq présentoirs pour les cinq premiers écrits sacrés, dictés par Dieu aux séraphins, premiers exilés d'Abyndal. Justement, deux d'entre eux d'entre eux, sur le premier présentoir de droite et le deuxième de gauche, traditionnellement dévolus au “Livre des Destins Cruels” et au “Livre du Jugement des Âmes”, étaient vides. Il y avait d'ailleurs plusieurs espaces dans cette bibliothèque, sans doute pour ceux qui avaient été empruntés et pour ceux à venir.

« Aide-moi à ranger tous ces livres, Nilahiah, nous parlerons après. »

Les minutes suivantes furent consacrées à cet effort. De cette façon, la jeune ange put en même temps apprendre quel ouvrage avait été copié par chacun d'entre eux. Elle découvrit ainsi que “Le Livre des Destins Cruels” avait été entre les mains de Pjetur. Il s'agissait sûrement du membres le plus compliqué à comprendre du Pentateuque des écrits originels, car il était composé en grande parties de phrases mantiques qui se présentaient comme des pensées de grande profondeur. Ariadna, elle, semblait avoir été en possession de l'œuvre d'un des saints les plus récents, “L'Attente” d'Androgue des Prudents. Les autres élèves avaient eu des ouvrages tout aussi divers que ceux des écuyers. Lorsque tout fut enfin fini, il détourna une des chaises d'un des pupitres pour s'y asseoir en faisant face à son élève. Il commença ainsi la nouvelle discussion :

« Je sais qu'il y a de nombreuses questions qui hantent ton esprit. Je t'avais promis d'y répondre au début de l'Hiver cependant tu n'as pas pu me trouver de tout le reste de la saison. Je vais donc commencer par t'instruire de la raison de cette absence : ma vieillesse. J'ai promis au seigneur d'enseigner à sa progéniture mais les années se font lourdes sur mes épaules. C'est pour tenir cette promesse faite il y a longtemps que je disparaît en Hiver, pour rentrer dans un sommeil artificiel durant lequel ma vie est figé. Je sais que je n'ai qu'un nombre limité de jours devant moi et il me faut les économiser. Ne t'attriste pas sur mon sort car je vénère chaque jour qu'Aton me permet encore de vivre. “La mort est l'aboutissement du projet, là où toutes les actions trouvent leur résultat.”, tel que cela fut dit par les Séraphins. Pose-moi plutôt les questions qu'il reste dans ton cœur. Je tâcherais de toutes y répondre. Ne te retiens pas ; parle. »
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Nilahiah Qel'Nêphtis
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Re: [Printemps 4602] Les enseignements d'Aton
posté le Lun 14 Aoû - 13:31


J’avais subitement refermé l’ouvrage que je tenais dans mes mains, masquant les quelques mots que j’avais pu lire. Angelina. Ruffian. Qui étaient-ils ? Quelle était leur histoire ? Je ne le saurais pas maintenant, car la silhouette qui me faisait face et qui m’avait surprise dans cet élan de curiosité n’était autre que celle du Vieux Théo. Rassurée par les paroles du vieil Ange aux lourdes ailes, je m’exécutai en bonne élève et m’emparai des livres qu’il me désignait, pour enfin le suivre jusqu’au mur orné de deux étendards. De sa voix grave, il prononça une formulation issue du Livre du Disque Céleste. Tous les Anges connaissaient cette œuvre magistrale dans le Culte d’Aton. Je l’avais moi-même étudiée étant enfant et j’avais été fascinée par certains de ses extraits. Je tâchai de graver dans un recoin de ma mémoire cette citation pour lui donner une saveur particulière et l’adopter comme une ligne de conduite. Le savoir pour s’approcher de l’immensité d’Aton. Voilà un programme pour quelques siècles ! L’enchantement révélé par la foi du Vieux Théo dévoila un passage dans le mur, nous révélant une pièce cachée. Je fronçai les sourcils, perplexe. Pourquoi dissimuler un endroit où seuls de pieux personnages pouvaient déjà accéder ? Fallait-il être doublement pieux ? Je compris en pénétrant dans la longue pièce. La lumière orangée du soir éclairait de larges étagères couvertes de livres sur toute la longueur de la salle. Cette bibliothèque devait être rare en tout Eilífth, si ce n’est unique ! D’abord époustouflée, je ne pus extraire mon regard de tous ces livres, puis du fond de la pièce que j’avais du mal à distinguer dans le jour déclinant. L’ordre du Vieux Théo me ramena à la réalité, loin de ma contemplation.

Ainsi, je m’exécutai pour ranger chacun des livres copiés par les élèves du vieil Ange. Avec étonnement, je vis que Pjetur avait eut la charge de copier « Le Livre des Destins Cruels », issu des cinq livres originels. Je le replaçai sur son présentoir d’honneur, au fond de la grande pièce. Il s’agissait d’une œuvre complexe, que j’avais parfois cherché à décoder sans jamais y parvenir complètement. Je n’en avais tiré que de vagues interprétations liées à ma propre existence, rien d’universel. Finalement, une fois que les ouvrages eurent retrouvé leur place dans la bibliothèque, je rejoignis le Vieux Théo et l’écoutai me parler. Il m’expliqua qu’à cause de ses vieux jours, il avait dû entrer dans une hibernation, afin de pouvoir continuer à instruire les écuyers et descendants nobles. Cette nouvelle me fit un pincement au cœur. Je m’étais attachée à ce personnage atypique, aussi étranger que moi en ces terres elfiques. Enfin, le moment vint où il me demanda de lui poser toutes mes questions sans retenue. Je m’assis et pris le temps de remettre de l’ordre dans mon esprit, avant de lui parler en ces termes :


« J’ai beaucoup repensé aux dernières paroles que nous avons échangées avant l’Hiver. Certaines de mes questions ont trouvé réponse au fond de mon âme. Vous m’avez dit, Théo, d’agir et qu’Aton me suivrait. Parfois, j’ai l’impression de ressentir au fond de moi son appel. J’ai fait la promesse à l’un de mes amis écuyers de lui enseigner les rudiments de la magie céleste sacrée. Je me sens capable de lui délivrer cet enseignement. Mais je ne sais si lui pourra le recevoir. La magie d’Aton demande foi et patience. Je me demande encore s’il n’est pas trop tôt pour moi. Suis-je prête à l’enseigner, ou bien devrais-je encore étudier le savoir laissé par les Saintes Ecritures ? Vous qui êtes un guide et un enseignant, quels conseils pouvez-vous me donner à ce sujet ? »


Mon regard s’était tourné vers lui à mesure que je parlais. Je voulais, moi aussi, enseigner les rudiments de la magie céleste. Le Printemps ramenant les beaux jours nous verrait probablement partir aux côtés du Seigneur Noble. Les enseignements d’Aton seraient alors plus difficiles à dispenser et à recevoir. S’il fallait agir, j’avais besoin d’un appui dès maintenant.
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Eilífthar Heftharkona
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Eilífthar Heftharkona
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Re: [Printemps 4602] Les enseignements d'Aton
posté le Sam 2 Sep - 18:43

Le vieux Théo écouta avec attention la question de Nilahiah et il s'agissait effectivement d'un problème ô combien complexe. À travers le monde, nombreux sont les auteurs à jamais s'être essayé au dangereux art de la pédagogie. Pourtant, quelles que soient les méthodes utilisées, le doute a toujours subsisté, les erreurs ont toujours existé. C'est car rien ne peut résoudre ce problème, comme allait lui enseigner l'ange :

« Certains t'auraient grondée pour cette initiative. D'autres t'auraient félicitée. Cela est dû à une raison toute simple, c'est car il n'existe pas de voie prédéterminée. Personnellement, j'enseigne par les livres et les écritures car je pense que c'est ce qui amène au plus près d'Aton. J'ai vu nombre de chevalier s'élever à des niveaux au plus proche des divinités par cette méthode. Selon moi, la magie vient toute seule et la maîtriser est bien loin d'être aussi important que de l'utiliser avec mesure. Cependant, pas plus que toi, je ne suis vraiment habilité à déclarer car mon ordre a la même parole que celle d'un Dieu. Pour être franc, il y a quelques années, un élève est allé jusqu'à quitter mes cours en me disant, à moi, que je devrais relire le haut livre de la Vérité Incorruptible. »

Le rappel de cet ancien souvenir qui datait d'avant l'arrivée lui arracha un léger rire. Il ne semblait pas garder la moindre animosité envers ce si téméraire étudiant. D'autant plus que, en y réfléchissant un peu, il est vrai que les enseignements de l'ancien paraissait s'éloigner sensiblement de l'écrit sacré qui déclarait la présence de formes et d'idées inaltérables dans le monde. Néanmoins, il semblait savoir ce qu'il faisait, donc il y avait une excellente explication à tout ça, sans doute. D'ailleurs, il reprit la parole pour s'expliquer un peu mieux :

« Ce que je voulais dire, c'est que c'est à toi de chercher au fond de toi si tu te sens l'esprit de l'enseigner, ainsi que la manière dont tu le ferais. Toi seule est apte à décider de tes capacités et de ton états. La magie céleste est un moyen d'accéder à Aton, c'est donc à lui qu'il faut demander la permission, en quelque sorte. Certains ne trouvent jamais en eux cette envie et ce n'est pas grave. C'est à chacun de voir ce qu'il peut faire et s'il veut le faire. À toi aussi de décider la manière dont tu voudras l'enseigner ; même si je pense que ma manière est la meilleure car elle peut apporter à chacun ce qui leur manque à la fois dans leur fois et dans leur esprit, chacun a sa propre idée sur la question. Quelle que soit la méthode que tu décides d'appliquer, sache cependant que si tu as besoin de livres, je serai là pour te soutenir. »

Le vieux Théo finit sa phrase par un sourire chaleureux de vieillard, dont il avait le secret. Puis il l'invita du regard à continuer de le questionner autant qu'elle le voudrait. Cependant, il ne lui restait surtout qu'une dernière question à poser, une question sur l'espoir, l'espoir dont la jeune ange avait bien eu besoin pour rester seule durant tout l'Hiver. L'expression ridée se fit un moment plus triste. On lui demander là une information dont seul Aton pouvait être réellement sûr. Cela ne l'empêcha pas pour autant de prononcer des paroles réconfortantes :

« Le Synode ne souhaite pas la division des anges mais, au contraire, leur union. La nécessité du pardon, telle qu'Aton nous l'apprend, pénétrera bien à jour à l'esprit de ceux qui tu as offensé, lorsque leurs sentiments se seront apaisés. En attendant, ici, tu pourras profiter du temps qu'il t'est offert pour grandir et apprendre de nouveaux modes de vie. Pleinement épanouie, tu finiras toi-même par te couvrir de prestige par tes propres actions. Face à cette grandeur gagnée, même les plus réticents des anges ne pourront pas rester éternellement obtus et devront te reconnaître. Exilée en criminelle, tu pourras revenir en héroïne. Mais, tu sais, je prédis déjà que tu n'auras pas besoin d'y revenir, car tout Abyndal sera devenu ta maison et tu auras ta place partout. »

Après ces mots bienveillants, comprenant que sa disciple n'avait plus d'autres questions pour le moment, il se releva lentement de son siège et l'invita à le suivre afin de lui présenter la bibliothèque de livres saints qui se trouvaient devant eux :

« Elle a été construits par l'un des premiers seigneurs nobles au dessus de l'église. À l'époque, c'était encore une petite chapelle et pas encore une cathédrale ; elle n'est pas encore si rutilante mais elle était déjà gracieuse. Cet endroit été réservé uniquement aux plus pieux des disciples d'Aton. On dit qu'il y a caché un mystère pour chacun des piliers de la sagesse, pour que seuls les plus accomplis puissent avoir accès à chacun des objets. Ainsi, seul celui qui vénère la connaissance peut en recevoir les outils. En cela, je ne suis pas vraiment d'accord : le savoir devrait être accessible à tout à chacun. Cependant, les livres sont chers même pour nous. Faute d'écrits, nous ne pouvons distribuer que de paroles aux pauvres gens. »

Son visage se fit un instant compatissant, mais il n'y avait rien qu'il ne puisse faire donc il se reprit bien vite pour ne pas faire attendre son interlocutrice, lui expliquant les lois qui régnaient sur ce lieu de savoir :

« Tu as dû voir qu'il manquait encore des livres, bien que nous aillons déjà replacés ceux d'étude. Certains de mes anciens reviennent parfois ici pour en emprunter un. Tu es libre de faire de même et d'en choisir un. Néanmoins, je souhaiterais que tu n'en prennes qu'un seul, puisqu'on ne peut en lire qu'un seul à la fois, et aussi pour éviter de les perdre. Si tu en souhaites en étudier, tu en malgré tout libre de rester ici et de noter tes études sur le carnet sur lequel tu as déjà commencé à recopier les leçons de sagesse que je t'ai préconisé. »
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Nilahiah Qel'Nêphtis
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Re: [Printemps 4602] Les enseignements d'Aton
posté le Mer 29 Aoû - 15:50


Le vieux Théo m’écouta attentivement, laissant planer quelques secondes de silence avant de me répondre de sa voix profonde, cette voix qui avait vécu de nombreux âges sans s’éteindre. Sa réponse me parvint comme un véritable enseignement et je gravais ses paroles dans ma mémoire au fur et à mesure que je l’écoutais. Il n’y avait pas de voie prédéterminée. Aucune pédagogie n’était universelle. Celle que l’ange plein de sagesse avait choisie était fondée sur la théorie, les textes sacrés et l’apprentissage de la bonne magie. Être mage signifiait avant tout utiliser ses pouvoirs avec justesse pour faire le bien. J’étais bien placée pour savoir que ce don pouvait aussi se retourner contre soi-même et contre les autres. Même les dons d’Aton, s’ils sont mal employés, peuvent engendrer le mal.

La véritable réponse à ma question vint alors. Je ne pourrais la trouver que dans l’intime secret d’une conversation avec Aton. Lui seul m’autoriserait à délivrer un tel enseignement, à la simple condition qu’il m’en estime capable. La méthode d’enseignement me viendrait alors naturellement, insufflée par notre dieu unique.

Suite à la marque de soutien que m’offrit le vieux Théo, je ne pus que lui rendre son sourire, un sourire chaleureux de jeune ange reconnaissante. D’un hochement de tête, je lui signifiai que j’acceptais son offre avec plaisir. Dans ce monde d’en-bas, il était sans doute l’être qui se rapprochait le plus d’un guide. L’ange était mon mentor et je savais pouvoir compter sur lui. J’avais eu des rancœurs à ne pas le voir paraître de tout l’Hiver, mais ses explications m’avaient rassurées sur son soutien. De plus, je devais profiter de ses derniers jours sur cette terre.

Je fronçai mes sourcils châtains lorsque le vieux Théo aborda le Synode. La colère sourdait encore en moi depuis mon exil et le froid Hiver n’avait pas endormi mes rancunes. Malgré son visage usé par le temps, je distinguais une certaine tristesse voire une mélancolie sur ses traits. Je ne m’attendais pas à ce que les mots choisis par le vieil ange pansent à ce point mes plaies. Le pardon pouvait venir d’en-haut, de ce conseil qui m’avait rejetée si rapidement. L’espoir qu’un jour je puisse retrouver le Dôme était encore ce qui me maintenait en éveil. Si l’espoir était permis, alors je n’abandonnerai pas et je ferai parvenir à leurs oreilles des chants glorifiant mon nom.

Hochant de nouveau la tête, je remerciai Théo de ses paroles bienveillantes.

« Vos paroles sont sages et sont un baume sur ma colère. Je les garde gravées en moi comme la voie à suivre. »

A ces mots, je plaçai une main sur mon cœur, montrant ainsi que c’était là que se trouverait la promesse d’un nouveau monde : celui où je prendrai la place qui m’est destinée. Le Vieux Théo se leva et je le suivis d’un pas lent, accordé au sien. L’histoire de cette bibliothèque m’intriguait. L’ange me la contait avec la puissance que les détails apportaient. Il y aurait ici un mystère pour chacun des piliers de la sagesse. Je gardai dans un recoin de ma tête ce curieux phénomène pour me concentrer sur les ouvrages. Plusieurs emplacements restaient vides. Le vieux Théo me proposa de choisir un livre sacré, et un seul, pour l’étudier.

« D’accord. »

Je n’avais rien répondu de plus, commençant déjà à parcourir des yeux les titres présents. Il n’était pas question de choisir un ouvrage sans réels critères de sélection. J’étais bien décidée à me laisser porter par ma curiosité et opter pour un choix du coeur. Du bout des lèvres, je murmurais les titres et leurs auteurs, à la manière d’une litanie. Mes lèvres s’arrêtèrent sur un livre plus marquant que les autres : Les théophanies d’Ylïendra.

« C’est celui-ci que j’étudierai. Les théophanies d’Ylïendra. Cette sainte a eu l’honneur d’entendre les messages divins d’Aton. Son contenu m’aidera à réfléchir à l’avenir que je souhaite modeler ici. »


Attendant un geste d’autorisation de la part du vieux Théo, je pris délicatement l’ouvrage pour l’extraire de son reposoir. J’avais hâte de commencer à l’étudier, mais je tenais à remercier d’abord l’ange. Je plongeai mes yeux noisette mouchetés d’éclats azur dans l’unique iris émeraude de mon interlocuteur.

« Je vous remercie, Théo, de la confiance que vous placez en moi. Je ne vous décevrai pas. »


Puis, je m’inclinai légèrement afin de prendre congé du vieil ange. Les tâches quotidiennes réservées aux écuyers m’attendaient et j’étais toujours perçue comme un objet de différence. Inutile d’en rajouter. Je m’excusai et regagnai le château du Seigneur Noble, l’ouvrage sacré contre mon cœur battant dans ma poitrine.
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Eilífthar Heftharkona
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Re: [Printemps 4602] Les enseignements d'Aton
posté le Mar 4 Sep - 18:55

En la voyant déjà si hâtée de pouvoir consulter les ouvrages présents, le vieux Théo esquissa un sourire. Il avait bien vu, alors qu'il parlait encore, que la jeune ange dévorait déjà des yeux les rayonnages sur lesquels s'étalaient les livres. Alors, avec la satisfaction de voir une de ses élèves pressée de s'instruire, il se reconcentra lui-même sur les livres. Il semblait chercher des titres en particulier dans la bibliothèque. Quand il les trouvait, il se mettait alors à les ouvrir et à les feuilleter à certains endroits spécifiques, comme s'il en connaissait majoritairement le contenu. La plupart du temps, il les replaçait avec délicatesse là où il les avait trouver, le dos à égalité avec les autres. Cependant, il arrivait qu'il en déplace certains ou même qu'il en mette en avant par rapport aux autres. Il s'affairait ainsi, concentré par cet étrange travail, de sa démarche lente habituelle, lorsque Nilahiah décida finalement de l'ouvrage qui avait attiré le plus son œil. Intéressé, il s'approcha alors d'elle pour tenir dans ses propres mains le livre qui allait être prêté. Son regard sage retombant sur la jeune ange, il la gratifia alors de précieuses informations concernant l'ouvrage qu'elle avait choisi :

« Les Théophanies d'Ylïendra. À son époque, elle déclarait qu'elle était capable de percevoir l'apparition d'Aton au travers du monde. Bien qu'elle fut une sainte, ses paroles furent peu crue. Toute sa vie, elle fut seule, ermite, errant sur les routes et propageant les enseignements divins même aux peuples les plus impies. On dit que ceux qui comprennent son enseignement peuvent à leur tour sentir sa présence où qu'ils aillent. Ils ne sont alors plus jamais seul et partout est leur maison. »

Le livre en lui-même était particulièrement beau et cela se comprenait qu'il ait attiré l’œil de la jeune ange. Sur la couverture, des dorures légères jouaient sur la couverture de cuir souple et doux, sans doute la peau d'un animal venu d'ailleurs. Cependant, la véritable beauté de l'ouvrage se trouvait dans le dessin sur la quatrième de couverture. Des fils d'or partaient des bordures et y formaient des entrelacs étranges qui faisaient penser à ceux des toiles d'araignée mais pas exactement. Même si l'ensemble dégageait une étrange harmonie, il était impossible d'y retrouver la régularité qui était coutumière de l'ouvrage arachnéen. Tous ces fils convergeait au milieu dans un ordre perturbant, se liant de tous côté à une figure centrale. C'était une silhouette presque humaine, dont le haut et entouré de deux auréoles successives, la première pleine, la deuxième irisée de milliers de rayons. Après un regard sur cette beauté, l'ancien rendit le livre à son élève :

« Ce choix a été éclairé. La sainte Ylïendra avait une vocation d'enseignante et tu cherches justement, toi-même, à enseigner à autrui. Fais attention à se mots, à comment elle-même formule les choses et tu pourras peut-être toi-même re-transmettre la perle qu'elle avait placé dans son écrit. Bonne chance. »

Sur cet encouragement, l'aîné accompagna lentement son apprenti jusqu'à la porte de la salle de copie, laissant derrière eux se refermer la bibliothèque sacrée comme un mystère qui disparaît du réel. Tandis que Nilahiah descendait du Dôme, portée, selon son désir, par ses ailes ou par la lumière qui l'avait emmené, le vieux Théo lui ne sembla pas descendre. Si elle leva la tête, elle eut juste le loisir de le voir disparaître, avec le frottement de ses ailes contre le sol, derrière une porte éphémère. Il ne restait déjà plus qu'elle dans l'immense cathédrale.

« Tu... tu es restée longtemps. »

La voix hésitante de Pjetur l'accueillit alors qu'elle sortait du sanctuaire. Il semblait y avoir une sorte d'inquiétude dans son ton, tandis qu'il attendait, passant d'un pied sur l'autre pour reposer ses jambes. Il devait avoir attendu là depuis qu'il était sorti de la salle de copie. Il faut dire que l'entrevue des deux anges avait durer presque une heure supplémentaire. Ajouté au temps qu'avait duré leur enseignement au travers des livres, il était déjà si tard que le soleil était presque en train de se coucher. Le printemps venait juste de commencer.


Lorsque Nilahiah descendit au petit-déjeûner le lendemain matin, Pjetur était déjà attablé, animé d'une énergie inhabituelle. À peine eut-il vu l'ange qu'il se leva de son siège pour venir la voir et la saluer d'une voix particulièrement heureuse :

« Bonjour ! Comment vas-tu ? J'espère que tu as passé une bonne nuit ! Il fait particulièrement beau aujourd'hui ! »

Tout en parlant, il la regardait avec attention. Bien qu'il ait eu la décence de ne pas l'annoncer haut et fort, il attendait clairement qu'elle lui confirme qu'elle allait effectivement commencer à lui enseigner la magie. C'était en effet le contenu de la promesse qu'elle lui avait faite la veille. Tout dans son comportement trahissait son impatience. Néanmoins, on pouvait difficilement lui en vouloir. Après plusieurs années à copier des livres sans vraiment en comprendre l'intérêt, il sentait enfin qu'il allait vraiment faire de la magie, de la vraie magie, celle qui crée de la lumière et a le pouvoir de changer le monde. Il était encore ignorant et attendait qu'on le guide. Tandis qu'il attendait que l'ange choisisse sa nourriture, il lui demandait déjà ingénument :

« Est-ce qu'il y a un moment de la journée préférable pour pratiquer la magie la magie blanche ? »
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Nilahiah Qel'Nêphtis
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Re: [Printemps 4602] Les enseignements d'Aton
posté le Mar 11 Sep - 18:46


Les informations sur l’ouvrage que le vieux Théo m’avait offertes étaient alléchantes. Mon pas s’était précipité après avoir jeté un dernier regard à l’ange s’évaporant derrière une porte éphémère. Je songeai que je ne le reverrai peut-être pas de sitôt, mon vieux mentor au dos courbé fatiguant de ces siècles passés. J’allais encore accélérer le pas en franchissant le seuil de la cathédrale afin de gagner le parvis, mais une voix bien connue stoppa ma marche décidée. Pjetur. Les Théophanies d’Ylïendra un peu plus serrées contre ma poitrine, je ne sus que répondre à l’hésitante remarque de mon camarade. Les lueurs rouges du soleil teintaient son visage d’une douce chaleur. Je lui souris avant de reprendre mon chemin en sa compagnie. Mon pas se fit plus lent à ses côtés car je réfrénais mon envie de me précipiter sur ce livre saint par pure politesse.

Une fois seule, je poussai sur mes jambes pour bondir vers le ciel, me propulsant en même temps de mes deux ailes presque blanches. Parvenue dans la chambre, je refermai la fenêtre aux carreaux d’argent. D’un geste évasif de la main, je créai une flamme de la Lumière d’Aton, et la laissai errer dans la pièce. Je me déshabillai et m’allongeai dans ce lit confortable qui m’avait été attribué, remontant le simple drap doublé d’une couverture sur mes épaules. D’un nouveau mouvement de la main, je ramenai à moi la flamme devenue sphère lumineuse, et je m’emparai des Théophanies. Je caressai la couverture de cuir souple, douce et veinée d’or. L’ouvrage en lui-même était une véritable production artistique. Mes doigts s’arrêtèrent sur la figure d’Ylïendra et les deux auréoles qui la surplombaient. Poussant un soupir de satisfaction, j’ouvris le livre et commençai ma lecture.

La préface n’était composée que d’un court paragraphe que je lus comme s’il s’agissait de l’un des textes sacrés. Je n’eus pas besoin de le relire tant les mots transperçaient mon âme pour y graver leur sens. Voici ce qu’Ylïendra elle-même avait tenu à préciser à ses lecteurs, lorsqu’elle avait rencontré le chroniqueur qui avait relaté sa vie : « A ceux qui liront cet ouvrage, qu’ils ne s’effraient pas. Si j’ai paru seule, affamée et dénigrée, je ne l’ai jamais été. Aton est la réponse. Il m’accompagnait sur les routes, il me nourrissait de ses paroles et me berçait de sa lumière. Jamais le Disque ne m’a abandonnée et il en sera de même pour vous. La foi est un étendard inébranlable ! Puissent ces mots vous permettre d’arpenter la voie de Sa lumière. »

Ces paroles me firent frissonner. La suite m’interpella encore plus. Ylïendra avait vite dédié son existence à l’enseignement des plus démunis devant Aton. Toute la nuit durant, je me nourris littéralement des paroles retranscrites par Ylïendra elle-même ou par son chroniqueur. Les mots prenaient du sens et j’entrevoyais déjà la manière dont je voulais mener cet enseignement auprès de Pjetur, mon premier disciple. A mes yeux, précision, technique, subtilité, avaient une place importante dans la maîtrise de la Lumière. Mais la foi, plus que tout, serait le pilier de nos entraînements. Je m’endormis tard, les yeux fatigués d’avoir parcouru ces lignes manuscrites.

J’arrivai tard au petit-déjeuner, encore lasse de mes lectures nocturnes. Prenant de quoi me sustenter, je vis Pjetur bondir sur ses pieds pour s’approcher de moi. Son excitation m’amusait. Je n’avais jamais connu un tel engouement pour les leçons d’Aton. Après tout, je n’avais fréquenté que des Anges naturellement dotés de cette douce et chaude Lumière divine, ne s’extasiant plus du don que le Disque nous faisait à chaque naissance. Ma réponse fut accompagnée d’un sourire en coin, plissant mes yeux encore fatigués de cette nuit écourtée. J’avais envie de le taquiner, mais l’enjeu était si important pour lui que je ne me le permis pas.

« Belle journée, Pjetur. C’est un plaisir de te voir en si bonne forme ! »

N’ajoutant rien, je m’assis à une table, l’une de celles qui étaient inoccupées, car je ne souhaitais pas que l’on entende ce que j’avais à dire à Pjetur. J’attendis qu’il s’assoit en face de moi pour lui répondre.

« Rassure-toi, je n’ai pas oublié ce que je t’ai promis hier. Il n’y a pas vraiment de moment propice dans une journée pour pratiquer la magie d’Aton. Cependant, je pense que nous serons pleinement sous les yeux du Disque lorsque le soleil aura atteint son zénith. Tu me retrouveras sur les berges isolées du HjartaVatn pour ton premier entraînement. »

En achevant cette phrase, je savais Pjetur suspendu à mes lèvres. Je finis mon repas sans évoquer de nouveau nos leçons. Puis, je passai la matinée à entreprendre mes charges d’écuyère.

Lorsque le soleil vint à son zénith, j’étais déjà en place sur la petite plage du lac, celle qui se trouvait à distance du port du château des Nobles. Les douces vagues venaient mourir à mes pieds dans un dernier remous. L’orbe lumineuse que je faisais virevolter au-dessus des eaux s’éleva vivement dans le ciel, pour se stopper net et reprendre sa course vers les profondeurs, plongeant dans le lac au milieu d’éclaboussures. Je laissai la lumière se dissoudre dans la matière aqueuse. Pjetur était arrivé. Je me tournai vers lui, un sourire confiant sur le visage.

« Dis-moi, Pjetur, as-tu la foi ? »

Devant la mine déconfite et interloquée de mon camarade, je conservai un air mystérieux. Une seule idée tambourinait à mes oreilles sans jamais disparaître. La magie blanche, ce don d'Aton, ne pouvait être reçu qu'en échange d'un acte de foi. Pjetur avait-il assez placé sa confiance en notre Dieu unique ?

« Tu n'es pas obligé de répondre maintenant à ma question. A la fin de ton entraînement, tu sauras y répondre. »

Je marquai un temps de pause, avant de reprendre, d'un ton bien moins énigmatique :

« Tu sais que la magie céleste est composée de deux aspects, tels les deux faces d'un unique disque. La magie de Vie et la magie de Lumière. La magie de Vie permet de guérir les corps et les âmes, elle préserve et protège ce qui existe. La Lumière est une voie d'artisanat. Nous utilisons la sainte lumière pour concevoir des architectures, des objets et des armes. La puissance de la Lumière peut aveugler tes ennemis, mais elle peut aussi t'éblouir toi-même. Te sens-tu particulièrement appelé par l'un de ces deux domaines ? »

Tout cela, il le savait déjà. Je n'avais fait que lui rappeler ce dont chacun avait connaissance sur ces terres. Pjetur appartenait à la famille Bienveillante. Son nom et, plus que tout, sa prédisposition à communiquer avec les bêtes le conduisait directement vers un usage de la magie céleste fondé sur la Vie. Préserver la Vie, user de ses pouvoirs pour faire le bien autour de soi. La Lumière viendrait probablement beaucoup plus tard. A moins que le jeune Elfe ne m'affirme le contraire, je sentais en Pjetur un chemin à prendre.
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Eilífthar Heftharkona
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Re: [Printemps 4602] Les enseignements d'Aton
posté le Lun 10 Juin - 23:40

Accompagnant son nouveau maître de magie à table, le jeune elfe reprit au passage une brioche aux fruits, bien qu'il ait déjà mangé en l'attendant. Il avait sans doute déjà mangé plusieurs fois, étant donné qu'il s'était levé très tôt pour l'attendre. Le soleil lui avait semblé se lever plus tôt, porté qu'il était par son impatience. Au vu de l'heure, Kasperaton avait même sans doute déjà petit-déjeuné en sa compagnie, mais lui ne s'était pas attardé. Il ne restait dans la grande que quelques chevaliers au repos. Il y avait aussi, dans un coin, Elinór Honorable qui s'était levé à peu près à la même heure que Nilahiah, cependant il ne faisait pas attention aux deux autres écuyers. Pjetur en revanche buvait chacun des mots de la jeune ange, aussi futiles soient ils. Son désir de connaissance avait oblitéré le reste. Il ne faisait que se répéter en lui-même qu'aujourd'hui enfin serait le jour où il apprendre vraiment la vraie magie, celle des Anges et des Chevaliers, celle qui vient du Disque. Mais en même temps, caché sous son visage, se trouvait la crainte irrationnelle de ne pas pouvoir réussir à l'apprendre, car il n'était pas pur, qu'il était né d'une elfe sylvestre. Cependant, il décida de ne pas s'en ouvrir. Il resta là, accompagnant Nilahiah pendant son repas avec des sourires et des paroles sans importance. Puis, il se séparèrent pour le reste de la matinée, chacun ayant ses propres occupations.

...

La plage qui avait été choisir pour être le lieu de leur leçon se trouvait à l'extérieur du château. Il s'agit d'une bande de sable et de galets rouges qui glissait lentement vers les eaux teintées d'un brun léger du Lac du Coeur, le HjartaVatn. Elle se trouvait peu loin d'un bosquet qui avait été laissé en friche, ce qui avait l'avantage de l'éloigner assez des champs cultivés par les serfs des terres Nobles tout autour des constructions annexes pour les invités les moins nobles et les serviteurs qui marquaient les remparts bigarrés du palais. Néanmoins, les larges tours et les dômes d'or et de safran se voyaient toujours depuis cet endroit de la grève et la lumière du soleil haut dans le ciel, en les parant d'éclat, ne faisait que leur donner plus de présence. Son éclat glissait lentement sur l'eau, y allumant des reflets ocres presque bordeaux, qui se réverbéraient dans ses profondeurs. Malgré l'excitation de celui-ci, la professeur arriva avant son élève et l'attendit tranquillement en jouant avec une lueur magique. Lorsque le pauvre Pjetur arriva, se croyant en retard, il n'eut pourtant pas le temps de s'excuser car elle fut plus rapide, le questionnant à brûle-pourpoint d'une façon mystérieuse. Elle lui posait pourtant question simple, si simple que presque beaucoup auraient immédiatement répondu « oui » sans réfléchir. Pjetur l'aurait peut-être fait aussi en d'autres occasions, enfin il l'aurait essayé et aurait sans doute fini dans une bouillie de syllabes à moitié articulées. Seulement, cette fois-ci, la spontanéité brisée par la surprise, il ne put s'empêcher d'avoir l'intuition qu'il devait y avoir un sens caché à cette interpellation, sans vraiment avoir le réflexe d'y penser plus en profondeur. Nilahiah brisa cependant assez rapidement sa perplexité en dissolvant la tension qui lui donnait l'impression qu'il devait répondre tout de suite. Au contraire, l'ange l'encouragea même à prendre son temps pour répondre à cette question et le jeune elfe ne put que lui en être reconnaissant, bien qu'ayant le sentiment qu'il venait rater l'occasion d'une réflexion intéressante.
Sur ces entrefaites, le cours de magie commença, ou du moins cela avait l'apparence d'un cours. Celui-ci avait comme sujet la double nature de la magie blanche, la face qui entretient et sauvegarde et la face qui crée et combat. Il s'agissait de notions assez connues, au point que même ceux ne pratiquant pas cette magie les connaissaient déjà. Néanmoins cela rappelait des bases déjà bien établies, des bases indispensables si l'on voulait apprendre la magie qui vient d'Aton. Pour autant, c'est sur une nouvelle question des plus intéressantes que l'ange termina son monologue, en lui demandant ce qu'il souhaitait faire, vers quelle branche il voulait se spécialiser. Cette invitation à choisir aurait plu à n'importe qui appréciant peu l'éducation traditionnelle, mais elle causa pourtant un étrange tremblement chez le jeune elfe. Après une relativement longue pause, inattendue, il fit par répondre d'une voix hésitante :

« C'est-à-dire que... Je ne sais pas vraiment... Je n'y ai pas pensé... Est-ce que c'est une question importante ? »

Mais même lui, en disant cela, se rendit compte que ses paroles n'avaient pas vraiment de sens. Reprenant énergie et un peu de confiance, il se mit étrangement à fermer les yeux quelques instants et articulant rapidement des mots en silence. Au bout de quelques instants, un lueur timide, grise, assez terne finit par naître au fond de ses mains rassemblées. Il ouvrit alors les yeux et, tout en gardant un œil attentif bien que peu appréciatif vers l'éclat, il tendit ses paumes vers Nilahiah en déclarant d'une voix ferme cette fois-ci :

« Je voudrais juste apprendre quelque chose avec ceci. »

Il ne put retenir plus longtemps l'étincelle timide de magie blanche, qui se dissipa discrètement comme elle était venu. Cela n'arrêta cependant pas Pjetur, qui semblait s'y attendre et enchaîna aussi rapidement, hésitant entre panique soudaine et calme :

« Je... Je peux faire cela. Je sais que c'est en lien avec ma foi. Je... ce que je veux, c'est juste de servir Aton. Oui, je veux apprendre quelque chose d'utile... d'utile pour Aton, pour le monde. »


HRP :
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Nilahiah Qel'Nêphtis
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Re: [Printemps 4602] Les enseignements d'Aton
posté le Sam 27 Juil - 8:51


Pjetur hésitait. L’excitation semblait avoir laissé place à l’anxiété et le doute. L’avais-je déstabilisé avec mes questionnements ? J’avais voulu que l’Elfe me montre ce dont il était capable, qu’il réveille un peu de sa hargne et de son envie de bien faire, mais je n’avais fait que le troubler davantage. Je conservai cette information dans un coin de mon esprit pour y prêter plus d’attention à l’avenir et ne pas trop désarçonner mon élève.

Il me demandait si ce choix avait de l’importance. Bien sûr qu’il était important ! A mes yeux, il l’était. J’avais la foi et la chance d’être née Ange, ce qui me donnait des aptitudes puissantes et, ainsi l’opportunité d’orienter mon pouvoir pour me spécialiser. Mais Pjetur, jeune Elfe, n’avait pas ces aptitudes raciales et j’allais certainement devoir revoir à la baisse mes propositions. Je pris soudainement conscience que l’enseignement que j’allais lui offrir était destiné aux Anges, et non aux Elfes.

Lorsque Pjetur fit naître au creux de ses mains la frêle étincelle grisâtre, je retins ce soupir défait qui menaçait de m’échapper. La route serait longue. La détermination que l’écuyer mettait dans ses propos était en revanche assez rassurante. Il doutait de lui-même, il avait peur et, de toute évidence, n’avait pas éprouvé la vraie foi, cependant nous pourrions parvenir à une progression. J’étais bien décidée à l’aider. Je pris le temps de la réflexion avant d’offrir un sourire rassurant à Pjetur, posant une main là où se tenait quelques minutes plus tôt l’étincelle éphémère.

« Ce que tu connais déjà est une base scellée en toi. Nous choisirons ton orientation vers la Vie ou la Lumière plus tard, garde cette question dans ton coeur et tu y répondras lorsque tu seras prêt à servir Aton de manière plus spécifique. »

Je marquai une pause, cherchant mes mots pour ne pas le blesser. Finalement, j’optai pour la simplicité et la franchise. Que le Saint Disque guide mes paroles

« Pjetur, ce que je remarque en toi est double, à la manière du Disque. Ta qualité est également ton défaut. Tu veux servir Aton et tout ce que tu entreprends, tu veux que cela serve le Dieu Unique et apporte une aide aux autres. Tu es bon et généreux. Attentionné, bienveillant et humble. Autant de belles qualités très importantes ! Mais ce sont ces mêmes qualités qui t’empêchent d’évoluer. Tu veux servir Aton et bien faire les choses, alors tu ne prends pas de risques pour éviter de faire le mal. Ta peur est un lien qui t’enserre et limite tes mouvements. Tu dois la briser pour que ta magie gagne en puissance. »

J’achevai là ma tirade. J’avais pris un ton de plus en plus sûr et presque autoritaire. Il n’y avait, à mes yeux, aucune autre solution que de briser ces craintes pour que Pjetur évolue librement. Au fond de moi, une petite voix murmura quelque chose que je me refusais d’entendre : « N’es-tu pas en train de le guider sur ta propre voie, celle du sang ? » Évidemment que j’y pensais ! Pjetur voulait approfondir sa foi et il n’y avait pas d’autre alternative. Je ne lui demanderai pas de tuer, de sacrifier sa pureté pour la justice. Prendre sur soi pour affronter ses peurs était déjà une belle épreuve pour mon ami. Je lui laissai un temps pour assimiler ce que je venais de lui dire et me poser ses éventuelles questions. Ce serait après y avoir répondu que je lui demanderai enfin :

« Sais-tu nager, Pjetur ? »

Je voulais que cette première leçon soit l'occasion d'éprouver sa foi. Qu'il réalise qu'Aton veille sur lui et le protégera de toutes les manières possibles. J'espérais, au fond de moi, que cela le conduise à briser une première barrière. La peur serait-elle un frein à ce moment-là ? L'instinct de survie éveillerait-il un pouvoir insoupçonné ou bien l'angoisse le plongerait-il dans les profondeurs ? J'adapterai mon épreuve en fonction de sa réponse. Que me dirait le Seigneur Noble en apprenant que j'avais noyé son écuyer ? Mieux valait être prudente et réfréner mes envies de bousculer Pjetur !
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Eilífthar Heftharkona
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Re: [Printemps 4602] Les enseignements d'Aton
posté le Mar 30 Juil - 7:23

Malgré l'effort qu'elle utilisa pour le cacher, Pjetur perçut la déception de son enseignante, et le plus lourd était qu'il savait qu'il en était responsable. Cependant, celle-ci voulut quand même masquer son trouble derrière un visage rassurant. Cela permit au moins à Pjetur d'espérer s'être trompé sur cette impression, bien qu'il sache au fond de lui qu'il avait perçu juste. Ses paroles se voulaient apaisantes et évacuèrent la difficile mais pourtant basique question qu'elle avait évoquée. Cependant, les suivantes le furent beaucoup moins ; empreintes d'une franchise douloureuse, Nilahiah exprimait là clairement ce qu'elle voyait au sein de Pjetur. Même ce qui en d'autres temps auraient été décrits comme des qualités été révélé comme des défauts dans la bouche de l'ange. Comment aurait alors pu réagir le jeune sinon se sentir perdu ? Il lui semblait alors que tout ce qu'il avait fait jusqu'à présent avait été en vain. En un sens, même sa propre identité lui apparaissait vaine et vide de sens. Mais surtout, la question qui lui venait à l'esprit était : était-il prêt à changer autant juste pour utiliser la magie blanche ? Fallait-il qu'il cesse d'être gentil pour en user ? Cela lui paraissait tellement antithétique qu'il ne savait même pas ce qu'il pourrait faire pour atteindre les standards élevé de l'ange. À ce prix, la magie d'Aton avait-elle encore une valeur ? Il voulait la maîtriser pour aider mais il fallait qu'il cesse de vouloir aider pour la maîtriser. Pjetur leva de grands yeux gris vers son professeur qui à la lumière du zénith semblaient presque verts à la recherche d'une réponse à son destin. Le vent soufflait lentement, jouant dans ses cheveux et agitant les vagues. Ses mèches noir clair se balançant sous la brise cachaient presque la légère oscillation de la pointe de ses oreilles, trahissant à la fois son trouble et la basse extraction de sa mère. Finalement, au terme d'un silence scrutateur, il finit par laisser échapper dans un souffle :

« Je veux bien essayer. »

Ce n'était sans doute pas ce qu'avait souhaité son professeur, mais en l'instant tout autre réponse lui aurait paru inappropriée, à la fois envers elle mais aussi envers lui-même. Alors, en silence il détourna les yeux, les dirigeant vers l'horizon. Peut-être était-il perdu ou peut-être réfléchissait-il. Quoiqu'il en soit, il lui fallut un certain moment de pause avant d'enfin se hasarder à quelques paroles, prononcées d'une voix lointaine :

« Ce n'est pas vraiment ce que j'avais imaginé d'un cours de magie blanche. Je pensais qu'il s'agirait davantage de m'apprendre à agrandir et utiliser ma flamme. Je ne pensais pas que cela se transformerait en cours de vie. »

Il y avait peut-être un soupçon d'amertume vers la fin mais dans l'ensemble ses mots étaient honnêtes. Enhardi par cet aveu, il tourna de nouveau son visage vers l'ange qui lui faisait face et, pointant des yeux presque métallique, il déclara d'une voix sûre :

« Je suis prêt. Je ferai ce que vous me demanderez. »

Ainsi, lorsqu'elle lui demanda le plus étrangement du monde s'il savait nager, sa surprise ne dura que quelques fractions de secondes, avant qu'il ne réponde en articulant distinctement les trois mots un prudemment simple :

« Je sais nager. »

À vrai dire, c'était sans doute en deçà de la vérité. Pjetur était un très bon nageur. Habitué très jeune à jouer des les lacs qui parcourent les hautes forêts épineuses des terres Bienveillantes, il sentait particulièrement à l'aise dans l'eau. Il n'était peut-être pas au niveau d'Elinór l'Honorable originaire des mer de l'extrême est, mais à part ce dernier il était sans doute le meilleur nageur parmi les écuyers. C'est pourquoi, tout en se tenant prêt à se dévêtir si besoin, il entreprit de demander diligemment :

« Aurons-nous besoin de nager pour mon entraînement ? »
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Nilahiah Qel'Nêphtis
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Re: [Printemps 4602] Les enseignements d'Aton
posté le Jeu 1 Aoû - 19:27

Mes paroles avaient entamé ce long processus de changement de l’âme en Pjetur. Chacun de mes mots le façonnaient, le faisaient prendre conscience de ce sur quoi je mettais le doigt. Et cela semblait douloureux. Son regard changea lorsqu’il le tourna vers moi. Sa voix ne tremblait plus. Je l’avais plus désarçonné que je ne le pensais. Ses yeux se détournèrent vers l’horizon, par-delà ma personne. La déception que je percevais dans le ton de Pjetur me piquèrent à vif. Je n’étais pas maîtresse de magie, et le peu de doute que j’avais en moi venait de refaire surface. Je fronçai les sourcils sans détourner mon regard de son visage elfique. Il ne comprenait pas. Faire grandir la flamme… Cela n’avait aucun sens pour moi ! Il n’y avait aucune flamme s’il n’y avait de foi. Chaque étincelle prenait feu à la seule condition qu’elle soit dédiée à Aton. Pjetur était beaucoup trop terre à terre et ses attentes étaient celles d’un enfant trop pressé. Il ne parlait pas avec foi et cela m’effraya quant à ma capacité à l’aider. Finalement, comme s’il avait perçu mes doutes, mon nouvel élève affirma d’une voix sûre qu’il était prêt et qu’il savait nager. Un sourire revint sur mes lèvres.

« Déshabille-toi, il se pourrait que tu aies besoin de nager, en effet. »

Par pudeur, je lui tournai le dos et observai les alentours. Mon regard remonta de la plage aux galets de rubis jusqu’aux lointains dômes du château des Nobles. Personne ne se tenait alentours et le bosquet nous cachait des éventuels indiscrets qui oseraient s’aventurer jusqu’ici. Mes yeux noisettes plissés devant l’éclat du Lac du Coeur, je songeai que ce serait ici que débuterait la mise à l’épreuve de la foi de Pjetur. J’estimai alors que le jeune Elfe devait avoir achevé de se dévêtir et je me retournai. Je profitai de cet instant pour jauger son poids. Il n’était pas forcément très grand et sans vêtement ni équipement, son poids ne poserait pas problème.

« Si tu es prêt, viens te placer dos à moi et saisis mes poignets fermement. »


Si Pjetur exécutait mes demandes, j’allais me propulser dans les airs, conjuguant ainsi ma maîtrise des éléments à mes aptitudes angéliques. Je n’aurai de cesse de m’élever et de me diriger vers le Lac du Coeur. Là, la fatigue se faisant certainement ressentir, j’essaierai tout de même de prendre de l’altitude alors que l’angoisse ferait probablement mourir Pjetur de peur. Dès lors que j’estimerai que la chute serait violente (et surtout effrayante!) mais non mortelle, je me débarrasserai de ce poids maintenu à mes poignets, non sans lui crier : « Aton n’abandonne jamais ses fidèles ! Crois en lui ! Prouve ta foi ! » A part moi, je savais que la chute ne le tuerait pas et que je veillerai à ce qu’il ne lui arrive rien de grave. Oh ! Il m’en voudrait certainement après cela et refuserait toute autre leçon. Toutefois, j’allais faire germer en lui la certitude qu’Aton veille sur lui, sur chacun de nous, et alors seulement sa flamme grandirait. Pjetur allait-il seulement accepter ce mystérieux défi ?
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Eilífthar Heftharkona
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Re: [Printemps 4602] Les enseignements d'Aton
posté le Ven 2 Aoû - 7:23

Pjetur fut bien sûr surpris de la demande de son professeur. Il ne voyait pas quel lien pouvait être établi entre la nage et la magie céleste. Cependant, en néophyte bien élevé, il ne discuta pas les ordres qui lui avaient été donnés. Sans vraiment faire attention à la jeune femme qui se retournait pudiquement, il entreprit de se délester de son surcot bordé de fourrure, de sa tunique et, dans un premier temps, que de tout ce qu'il portait d'autre pour éviter de les mouiller. La majorité des elfes n'étaient pas pudique. Ce désintérêt était présent depuis toujours chez les elfes sylvestres et les elfes sauvages et avaient persisté en grande partie chez les hauts elfes. Si au Sud-Est, Hvolthak et Helgistathurinn, les relations avec d'autres peuples, les mœurs angéliques et quelques visions de saints isolées avaient lentement réussi à faire tourner la barque, dans tout le reste du pays en revanche les elfes n'étaient pas habitué à éprouver ce genre d'état d'âme. Néanmoins, Pjetur eut l'intelligence de se demander si une telle attitude était habituellement autorisé en présence d'un ange normal. Jetant un œil à Nilahiah non loin de lui, il mit à nouveau une sorte de collant qu'il avait précédemment enlevé, par prudence. Fort heureusement, l'écuyer était habitué à se changer rapidement, aussi était-il prêt, bien que légèrement inconfortable, lorsque son enseignante se retourna à nouveau vers lui. L'air du tout jeune printemps était encore bien frais pour être torse nu mais il ignorait encore que la suite serait d'autant plus froide et se contentait pour l'instant de s'efforcer de suivre au mieux les instructions. C'est ainsi que, docile, il vint se placer comme elle l'avait demandé, devant elle, les mains sur ses poignets, tout cela sans vraiment réfléchir, plus par obéissance que par volonté propre. Et c'est tandis qu'il se faisait qu'il se faisait la remarque détachée que l'ange paraissait moins de près que de loin, que sa soudaine séparation du sol l'arracha à ses considérations vagues pour l'ancrer dans le présent. Que faisait-il ? Il était en l'air, littéralement dans les airs. Sous lui ne s’affichait plus que les terres et eaux rouges du territoire Noble qui s'agitaient mollement, dans un angle qu'il ne leur avait encore jamais connu. Le vent sifflait à ses oreilles et contre son corps exposé. Il aurait dû être en train de mourir de froid mais cela ne lui était désormais plus possible, grisé qu'il était par cette vue inédite. Il était là où il n'avait jamais été, au dessus du sol, soutenu uniquement par la force de ses mains crispées en arrière, agrippées à son dernier lien à la vie. La peur laissait alors le pas à une plénitude heureuse qui n'eut pourtant pas le temps de s'installer. C'est juste au moment où il commençait à se laisser à aller que le cri de Nilahiah lui parvint, de croire en Aton, mais c'est surtout à ce moment que l'équilibre se brisa et qu'il fut lâché plusieurs mètres au dessus du lac. Comment aurait-il pu ne pas être paniqué ? Déjà qu'il n'avait pas compris ce qu'il se passait tandis qu'on l'attirait dans les airs mais voilà qu'il était jeté d'en haut, comme certains aigles le font avec certaines proies. Cependant, Pjetur avait confiance en Nilahiah. Fermant les yeux, il tenta de se persuader qu'il ne risquait rien ; il tenta de se persuader qu'Aton viendrait le sauver. Malheureusement, il n'avait jamais vu Aton venir le sauver. Aton n'avait pas été là tandis que cet autre seigneur l'humiliait lui et son père au plein milieu d'un rassemblement. Aton n'avait pas été là pour tous ces gens qui avaient massacrés par des bêtes sauvages dans ce village. Pjetur croyait en Aton. Il l'avait toujours imaginé, pas loin, comme une lumière chaleureuse et bienveillante au dessus. Pour lui, Aton était comme une présence réconfortante avec lequel il avait souvent trouvé le réconfort de ses malheurs tandis qu'il priait dans l'autel qu'il s'était improvisé en haut d'un arbre et qu'il appelait cathédrale. Cependant, si, tandis qu'il regardait de ses yeux métallique l'étendue aqueuse couleur rouille qui se rapprochait à grand vitesse de lui, il croyait qu'Aton allait lui éviter la mort, alors la réponse était non. Donc, il fit le nécessaire pour rester en vie. Abandonnant sa position lâche dans l'air, il tendit ses muscles de nageur, les mêmes avec lesquels il sautait des hauts arbres Bienveillants dans la rivière en contrebas enfant, et, plaçant sa tête dans le creux de ses bras joints, il déchira les eaux. Le choc fut rude mais sa position était bonne aussi ne fut-il pas trop incommodé. Ce qui le fit souffrir par contre, ce goût amer dans sa bouche, ce fut le sombre sentiment d'avoir échoué à l'épreuve qui lui avait été imposée par le Tout Puissant. Cet événement lui fit venir à l'esprit une réalisation taillée par des décennies et des décennies de mésaventure : Pjetur Örlæti n'était pas digne de la magie qui vient d'en haut. Fatigué, il perça la surface de l'eau et se mit à nager à brassées lourdes et lentes. Regagnant la côte au bout de plusieurs minutes, il était alangui et un peu éteint. Il tremblait de tous ses os, gelé par la froideur des profondeur. Laissant de côté les paroles de son amie, il demanda néanmoins, poli :

« Est-ce... Puis-je peux me rhabiller désormais ? »

Puis, sans demander son reste, il enfila en silence les habits qu'il avait ôtés précédemment, bien qu'il fût encore mouillé. Ce n'est qu'une fois rhabillé, illusoirement réchauffé mais au moins rassuré par ces vêtements dont il était coutumier, qu'il sembla pouvoir respirer de nouveau. Il hasarda alors enfin quelques mots :

« Est-ce qu'on... est-ce qu'on pourrait... ne pas... parler de ce qui est arrivé ? »

Il semblait hésitant, précautionneux dans le choix de ses mots. Pourtant, malgré ce qu'il venait de dire, il continua néanmoins :

« Je... je pense... peut-être... peut-être est-ce que je ne suis pas... fait, pas fait pour la magie blanche ? »

Il soupira, cette fois, un soupir long et douloureux. On sentait qu'exprimer cette idée lui en coûtait. Dans le même temps, il dégageait de lui une certaine forme de résignation, une forme qu'il paraissait vain de combattre. Pjetur venait sans doute d'abandonner définitivement la voie de cette magie qu'il avait tant souhaité pouvoir maîtriser. Il n'abandonnait pas la croyance en Aton, non, il resterait toujours un fidèle de ce dieu qui l'avait souvent soutenu dans ses moments difficiles. Ce qu'il abandonnait ici, c'était un rêve d'enfant, le rêve d'avoir ce qu'il n'avait pas pu avoir après le départ de l'ange de sa famille avant sa naissance, une rêve qui n'avait pas beaucoup eu de sens dès le début de toute façon. Puis, au bout d'un long silence, il hasarda enfin :

« On pourrait rentrer... Non ? »

Mais il semblait désormais prêt à écouter ce que l'ange avait à dire.
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Nilahiah Qel'Nêphtis
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Re: [Printemps 4602] Les enseignements d'Aton
posté le Lun 5 Aoû - 10:33

Contre toute attente, Pjetur ne s’agita pas lors de notre envol. Je ne le regardais pas mais je sentais par ses mains qui enserraient mes poignets qu’il n’avait pas peur. Alors que j’étais persuadée qu’il ferait tout pour ne pas rester à cette hauteur, le jeune écuyer Bienveillant me faisait pleinement confiance. Cela me rassura quant à notre amitié qui, aux dires de l’Elfe, me semblait fragilisée quelques instants plus tôt. Alors je le lâchai, non sans lui dire de croire en Aton. Placée derrière lui, je repliai mes ailes et descendis, contrôlant plus ou moins ma vitesse de chute pour rester à peu près au même niveau que lui. J’aimais jouer avec l’air et ses courants, défier la nature grâce, justement, à mes aptitudes en Magie de l’Air. La chute dura suffisamment longtemps pour que je puisse voir Pjetur se rapprocher de plus en plus des eaux couleur sang. C’est alors que je le vis changer de position et affronter son entrée dans les eaux tel un nageur émérite.

Par Aton ! Si je m’y étais attendue ! Pjetur m’avait affirmé savoir nager, mais il n’était pas entré dans les détails. J’étais impressionnée car moi-même j’approchais le moins possible les eaux profondes, mes ailes étant un réel encombrement pour nager. Je risquais de me noyer plus que de me détendre en nageant dans ces eaux. Savais-je même réellement nager ? Je stoppai ma descente avant de toucher la surface du lac et d’une poussée aérienne, je me dirigeai vers la rive, non sans un regard en arrière pour voir remonter Pjetur à l’air libre.

J’attendis sur la plage, fière de ce qu’avait accompli mon jeune élève. Bien qu’un peu jalouse de sa performance aquatique, à mes yeux, il avait parfaitement réussi son épreuve. Il était allé chercher au fond de lui ce qu’Aton lui soufflait de faire pour qu’il parvienne à survivre à ce choc sans aucun danger. Aton ne l’avait pas sauvé et ne s’était pas manifesté en grandes pompes, trompeté par les Archanges ! C’était plus subtile que cela et je voulais le lui expliquer dès son retour sur la plage. Lorsqu’il arriva, sa mine sombre et ses lèvres bleuies de froid m’empêchèrent de dire quoi que ce soit. Il me demanda s’il pouvait se rhabiller mais n’attendit pas ma réponse.

Je pouvais le sécher. La magie de Lumière et la magie élémentaire de l’Air pouvaient me permettre de le sécher et le réchauffer. Je ne le fis pas de suite. Avait-il seulement envie que je sois à ses côtés ? Son attitude me déchirait le coeur. Je sentis quelque chose se briser en moi et je ne sus que faire. Je restais là, les bras croisés sur la poitrine, hésitant à dire un seul mot. Lorsqu’il me demanda ne plus parler de ce qui s’était produit et m’affirma qu’il n’était pas fait pour maîtriser la magie blanche, une deuxième partie de mon coeur vola en éclat. Qu’avais-je fait ? J’avais complètement anéanti Pjetur. Il n’avait plus aucune confiance en Aton, en moi ou en lui-même. Avec horreur, je contemplais l’être que j’avais ruiné en jouant les apprenties enseignantes. Je devais rattraper ces erreurs.

« Pjetur ! Ne te rends-tu pas compte de ce qu’il vient de se passer en toi ? Pardonne-moi, mais je dois revenir sur ce que je viens de voir. Aton ne s’est pas manifesté, il n’est pas venu te prendre dans ses saints bras pour te déposer sur la terre ferme et au sec. Il est en toi depuis toujours. »

J’appuyai mes paroles d’une main chaude posée sur le torse humide et glacé de Pjetur. Je poursuivis sans m’interrompre.

« Lorsque tu as pris cette position de nageur pour fendre les eaux, c’est Aton qui te l’a soufflé. Bien sûr, ce n’est pas lui qui t’a directement appris à nager et à plonger… Mais c’est lui qui t’a proposé de faire au mieux et tu l’as suivi. Tu as exploité tes compétences de nage pour ne courir aucun danger. Pjetur, je ne connais pas encore beaucoup d’Elfes, mais tu mérites bien plus que... »

J’hésitai à formuler la fin de ma phrase. Oui, je le pensais tout à fait ! Pjetur valait mieux que certains Anges, avais-je le droit de dire cela ? Les Anges étaient au-dessus des Elfes depuis toujours et cela reviendrait à une sorte de blasphème. Je soupirai. Il me fallait poursuivre. Ma main glissa de son torse mouillé à son épaule pour que je plonge mes yeux noisette éclatés d’azur dans les siens.

« Pjetur, tu as toutes les qualités pour maîtriser la magie blanche et particulièrement la magie de la Vie, celle qui protège et guérit. Ce n’est pas de faire grandir une flamme qui le prouvera. Aton est en toi. Tu me l’as prouvé. Tu as prouvé ta foi ! Les choses ne changeront pas du jour au lendemain. Nous allons travailler dur, ensemble, pour développer ta magie. Si tu acceptes que nous poursuivions ta formation tous les deux. »


J’arrêtai là mon flot incessant de paroles. Je marquai une pause pour reprendre mon souffle. Puis je repris, d’un ton plus doux, moins pressant et envolé :

« Je te promets que les prochaines leçons seront moins déroutantes. Il ne s’agira plus de prouver sa foi, simplement d’aiguiser ta concentration et de chercher plus loin dans ta foi. »

Mon coeur battait vite dans ma poitrine. Je voulais tant qu’il accepte. Ne serait-ce que pour prouver que notre amitié poursuivrait sa route. D’une petite voix presque timide que je ne me connaissais pas, je lui proposai :

« Si tu veux, je peux te sécher ou… tu peux essayer de le faire toi-même si tu n’es pas trop épuisé ? »
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Eilífthar Heftharkona
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Re: [Printemps 4602] Les enseignements d'Aton
posté le Mer 13 Nov - 16:10

Le jeune écuyer n'avait plus aucune attente. Pour lui, son rêve était terminé. Ainsi, assis au bord de la grève, le soupir et le froid aux lèvres, il ne s'imaginait pas autre chose. Le soudain élan de l'ange lui tomba dessus. Il s'agit d'encouragements. De fait, elle semblait avoir lu complètement autrement l'événement qui venait de se passer et, contrairement à Pjetur, elle n'avait pas perdu espoir en lui. Dans ses yeux à elle, c'était Aton qui l'avait fait agir, c'était la preuve qu'il était en lui. Elle voyait mieux sa foi que lui-même. Il y avait certes un peu de panique, de l'inquiétude dans sa voix, mais il s'agissait purement de sa préoccupation envers lui. L'exilée de chez elle s'inquiétait pour son élève, pour son ami. C'est son bien-être qu'elle avait en ligne de vue. L'innocente voulait l'aider, voulait rectifier ce qu'elle voyait sans doute comme une erreur de sa part à elle, s'entêtant à voir en lui un grand potentiel. À vrai, c'est là plus d'encouragement et de paroles positives que Pjetur avait jamais reçu en même temps. Son visage, sous la douce brûlure cramoisie d'un plaisir mêlé d'embarras, avait déjà repris des couleurs. C'est tandis que Nilahiah terminait péniblement son discours, qu'il lui prit gentiment les bras dans une étreinte sincère, murmurant un apaisant :

« Nilahiah… »

Après quelques secondes, longues, tandis qu'un calme serein était redescendu, Pjetur recula à nouveau et tourna vers son amie son regard bleu pâle, presque gris, dans lequel de près on pouvait voir quelques reflets du printemps. Il lui sourit alors gentiment et répondit à ce qu'il lui semblait être les craintes de celle-ci :

« Ce n'est pas de ta faute. »

Sa voix était ferme, décidée. Elle n'admettait pas alors d'être contredite. À l'instant même, Pjetur était en paix, calme, plus en accord avec lui-même qu'elle ne l'avait vu jusqu'alors. Il respira un grand coup ; les paroles suivantes lui semblaient difficiles à prononcer mais il les dit néanmoins avec une voix presque égales :

« Ce n'est pas que ton enseignement était mauvais, pas plus que celui du vieux Théo, je le réalise alors. Cela vient de moi. Ce que je veux dire, c'est que… je ne pense pas avoir la foi, je ne pense pas l'avoir jamais eu. Je sais qu'Aton existe… quelque part… dans le monde ou au fond de soi. Je l'ai déjà ressenti après de moi. Je me suis déjà confié lui. Mais… je ne pense qu'il viendra jamais à mon aide. Je ne suis qu'un elfe après tout, comme les autres, … bâtard ou non. Excuse-moi, je pense que je m'emmêle un peu. Je voulais te dire que, par cette épreuve, ne pense pas m'avoir éloigné d'Aton. Je reste auprès de lui, comme tout être en vie. Je crois en lui. Cependant, cette épreuve m'a fait me rendre que c'est mon propre égoïsme qui me faisait aspirer à ces pouvoirs. Je ne savais même ce que j'en aurais fait. Je m'imaginais lancer des lasers, voler jusque loin, cela n'avait aucun sens. Finalement, dans tout cela, je ne pensais pas une seul fois à Aton. C'est pour ça que, même en mille ans, je n'aurais jamais pu maîtriser la magie céleste. »

Pjetur tendit alors ses mains ouvertes vers Nilahiah. Dedans, nulle flamme sacrée. Les seules étincelles qui brillaient étaient les éclats verts dans les champs teintés de brun du lointain, tandis que le soleil de l'après-midi jouait entre les ombres d'immenses nuages hauts dans le ciel. Le jeune écuyer lui adressa un sourire désolé mais néanmoins dénué de désespoir.

« Je sais maintenant ce que je suis. Je sais ce que je veux faire. Je veux aider les gens et propager le bien autour de moi. Et pour faire tout cela, je n'ai pas besoin de magie, je n'ai besoin que de moi-même. »

Ainsi debout, dressé, se découpant dans l'eau rouge et le ciel bleu, il semblait vraiment faire sa taille, comme annonçant un futur grand personnage bien qu'il soit encore plus petit que les autre écuyer à cause de son héritage sylvestre. Son regard droit et clair indiquait un destin. Il ria gentiment, avec bonne humeur et dit finalement :

« Allez, vas-y, je veux bien que tu me sèche. Ce serait dommage d'attraper froid. Après, retournons au château, nous avons tous deux des choses à faire. »


Lorsque Nilahiah descendit petit déjeuner le lendemain matin, Pjetur était là. Il avait pourtant disparu tout le reste de la journée précédente après ses paroles amicales. Même au dîner, pas un n'avait été capable de lui dire exactement où il était, si ce n'est Ísrún qui avait évoqué une vague histoire d'obligation chez un chevalier du territoire. Pourtant, ce matin, il était là. Mais, plus étrange encore, il était en pleine discussion avec Elínór Honorable, le premier écuyer, qui semblait pourtant si distant. Ce n'était pas une vue commune, au point que l'ange n'avait sans doute jamais vu ces deux écuyer avoir plus de quelques mots pratique l'un pour l'autre, de l'ordre d'une demande pour avoir le sel à table. Il discutait néanmoins l'un avec l'autre et Pjetur semblait même acquiescer à ce que l'autre lui disait. Le haut elfe aux cheveux noir de jais fut le premier à percevoir l'arrivé de l'ange et il partit assez rapidement après avoir laissé une phrase au jeune écuyer que Nilahiah put percevoir au passage :

« … si tu as besoin d'aide, n'hésite pas à me trouver. »

Mais sans laisser davantage de temps à l'ange de s'interroger, son ancien élève aperçut sa présence et se dirigea vers elle le sourire aux lèvres, un sourire presque mystérieux. Un fois arrivé près d'elle, il s'exclama :

« Bonjour ! Comment vas-tu ? Tu n'as pas passé toute la nuit à lire, j'espère. »

Il semblait s'agiter sur lui-même, sous le coup d'une agitation interne, d'un amusement qu'il peinait à endiguer. Mais rapidement, n'y tenant plus, il finit par lancer :

« Tu es libre cet après-midi ? J'aurai une surprise pour toi. »
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Nilahiah Qel'Nêphtis
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Re: [Printemps 4602] Les enseignements d'Aton
posté le Ven 27 Nov - 21:04

J’éprouvai des difficultés à trouver le sommeil ce soir-là. Après avoir utilisé mes dons célestes pour créer un souffle chaud séchant doucement chaque particule d’humidité du corps de Pjetur, nous avions regagné le château, chacun vaquant à ses occupations respectives. Je n’avais pas revu Pjetur de la soirée. Nul ne savait où il se trouvait et je ne m’étais pas attardée au dîner pour en savoir plus. Et lorsque le ciel s’était teinté d’ébène, je m’étais allongée sur le sommier confortable destiné aux personnes de ma race et je n’avais pu que fixer le plafond orné. Pjetur avait trouvé sa voie, j’aurais du me sentir apaisée de cette nouvelle. Cependant, j’éprouvais un profond sentiment d’échec. Je regrettais de l’avoir poussé si loin et de n’avoir pu lui donner accès à l’incroyable magie d’Aton. Je m’étais finalement endormie peu de temps avant l’aube.

Lorsque je descendis pour prendre un premier repas, j’avais tout de même pris soin de brosser mes long cheveux et de passer une tenue convenable pour la journée de travail qui m’attendait. Quelle ne fut pas ma joie en voyant Pjetur dans la salle commune. Il avait reparu comme par enchantement, comme si le temps avait suspendu sa course et que nous avions fait marche arrière. Un fait encore plus étrange : Pjetur était assis à la table d’Elínór Honorable et paraissait en grande discussion. La vue me surprit tant que je cessai ma marche pour les observer. L’Honorable prit congé en proposant son aide à Pjetur. Encore plus étrange. Je n’eus pas le temps de démêler ce mystère car mon ancien élève vint à moi. Je me sentis aussitôt soulagée devant son sourire sincère, bien qu’empreint d’une certaine espièglerie. Je ne pus retenir un léger rire en entendant sa remarque sur les livres.

« Bonjour, Pjetur. Je vais bien, merci. Et rassure-toi, je n’ai pas encore achevé tous les tomes de la grande bibliothèque de Théo. »

Une question me brûlait les lèvres. Où était-il vraiment passé ? J’allais la lui poser lorsqu’il prit la parole, ne tenant plus en place. Je l’écoutai, curieuse.

« Une surprise ? Pour moi ? Qu’aurais-je fait qui mérite un tel engouement de ta part ? »

Je le regardai avec malice, avant d’ajouter d’un air taquin :

« Cela dit, tu ne m’as pas précisé s’il s’agissait d’une bonne ou d’une mauvaise surprise. Soit, je trouverai le temps de me libérer. Je pense pouvoir terminer mes tâches avant que les trois coups ne sonnent. Cela te convient-il ? »

Après avoir écouté sa réponse, je m’emparai d’une miche de pain, de quelques baies et d’un morceau de fromage de brebis. Nous nous installâmes à une table et déjeunèrent avant de nous rendre chacun à nos engagements. Pour ma part, je passai la matinée à étudier les Saints Ecrits. Puis, avant le repas, je rendis service au seigneur Noble qui désirait que je porte assistance à un chevalier non loin du château dont l’une des filles était coincée sur un sommet escarpé au sol friable. L’affaire ne me prit pas beaucoup de temps. La jeune Elfe fut bientôt dans les bras de son père et je pus reprendre la route. Je parvins au château juste à temps pour faire mon rapport des événements au Seigneur Noble et retrouver Pjetur au lieu où nous nous étions donné rendez-vous : les écuries. Pjetur serait-il déjà là ? Quelle était cette fameuse surprise à laquelle j’avais songé toute la journée ? La déception d’avoir échoué ma mission de conseillère et de professeur avait laissé place à la grande joie de retrouver mon ami. J'accélérai le pas en passant le grand battant de bois des écuries.
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Eilífthar Heftharkona
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Re: [Printemps 4602] Les enseignements d'Aton
posté le Mar 1 Déc - 19:52

Pjetur se frotta la tête, embarrassé, alors qu'elle le questionnait, taquine, sur les éventuelles raisons qu'il aurait de lui faire un présent. Néanmoins, cette fois-ci, il ne baissa pas les yeux et les garda au contrairement rivés sur les siens, emplis d'un enthousiasme pétillant. Il n'y avait pas de doute, ni de gêne, juste une intense allégresse et le plaisir coupable mais tellement enjoué d'un secret éphémère. Il se prit même à continuer sur sa lancée et, avec le même ton facétieux qu'elle :

« Bonne ou mauvaise ? À ton avis ? En tous cas, je te propose qu'on se rejoigne dans la cour intérieure du château. Tu as intérêt à ne pas oublier, sinon je suis sûr que quelqu'un se fera un plaisir et te prendre ton cadeau à ta place. Peut-être même moi-même, tiens. »

Le jeune écuyer la suivit à table et mangea un peu avec elle, cependant il était si excité par la perspective de sa surprise que la majorité de sa discussion tournait autour de son refus à lâcher des informations supplémentaires à ce sujet, quoi qu'elle demande. D'ailleurs, il finit par partir assez rapidement en s'excusant, parce qu'il avait promis à quelqu'un d'aller s'entraîner avec lui à l'épée. Nilahiah se retrouva donc en paix. Kasperaton avait dû manger avant eux parce qu'elle ne le vit pas paraître, mais il faut dire qu'elle s'était levée tardivement.


« Aton m'est apparu aujourd'hui, invisible au regard. Il se trace en milles lignes, tout le long du paysage, les vols des perdrix, les routes du pays, les veines du feuillage. Baissez les yeux du ciel et regardez aux alentours. Il n'y a pas besoin d'être un oiseau qui s'élance jusqu'aux flammes du soleil, parce qu'Aton est assis juste à côté de vous, et jusque dans votre cœur. Un ange au visage voilé m'a même dit une fois que c'est lorsqu'elle eut abandonné tous ses espoirs, fous et destructeurs, et qu'elle parvint finalement à atteindre la lumière. Alors vous aussi, descendez les yeux des hauteurs du visage d'une idoles et tournez les plutôt vers celui d'un enfant qui vous sourit par exemple. Cet élève qui vous adore trouvera-t-il la bonne voie ? Oubliera-t-il un jour ses rêves ? S'oubliera-t-il lui-même ? Taillera-t-il les esprits ? Taillera-t-il la pierre ? Le destin importe peu car en ce moment il vous sourit, et son sourire réverbère la lumière blanche de son cœur candide. »
Les Théophanies d'Ylïendra


La jeune fille était bien embarrassée de s'être ainsi retrouvée bloquée sur ce sommet escarpé. Encore une fois, elle avait voulu jouer les casse-cou et grimper jusqu'en haut de la falaise à la seule force de ses bras et de ses jambes. Une décision qui lui était apparue bien stupide après s'être blessée dans son ascension. Au vu de son expression, le pire avait été que ce soit l'ange qui est due être dépêchée pour la secourir, l'ange avec qui elle étudiait la magie en haut de la cathédrale. Inutile de préciser qu'elle ne s'osa pas au prononcer la moindre parole tandis que sa mère, elle, remerciait chaudement l'écuyer ailée comme si elle était la sauveuse de toute sa lignée. La chevalier insista même pour l'inviter à manger le déjeuner qu'elle n'allait pas avoir le temps de manger si elle repartait aussitôt pour le château. Pour cette invitée, on alla même jusqu'à cuisiner des desserts exotiques à base de sucre, tandis que la châtelaine se vantait de l'excellence de son cuisiner qu'elle avait pu dénicher dans les îles lointaines de l'ouest. Il fut assez difficile de réussir à s'extraire de cet excès d'hospitalité sans pour autant insulter la personne qui l'invitait.


Pjetur faisait le pied de grue à l'entrée de l'étable, face à la cour du château, regardant anxieusement le ciel où les nuages avaient commencé à cacher le soleil, de sorte qu'il n'était plus possible de deviner l'heure aussi aisément que d'habitude. Il était tellement remuant, adossé à la première stalle qu'il était difficile de savoir depuis combien de temps il attendait. La tête baissée, il semblait perdu dans ses pensées et il fallut que la jument de la première stalle, excédé par son comportement, finisse par le mordiller pour qu'il se rende compte de la présence de celle qu'il attendait pourtant avec impatience.

« Nilahiah ! » s'exclama-t-il.

Il bondit de sa position, et l'attira avec des grands gestes vers l'intérieur du bâtiment, un grand sourire sur le visage. Cependant ils ne s'enfoncèrent pas loin dans l'étable car à peine la jeune ange se fut rapproché du cinquième écuyer que celui se détourna et tendit les bras vers la première stalle. Dedans, une jument à la robe pie bai qui commençait un peu à grisonner, particulièrement grande, lui jeta un coup d’œil circonspect en reniflant. Pjetur fit les présentations :

« Voici Adsila ! Tu n'as pas idée à quel point j'ai eu du mal pour la trouver. Puis, se tournant vers le cheval, il lui dit à son tour : Et voici Nilahiah. »

La jument s'approcha à son tour et tendit d'abord le menton, puis tourna la tête, comme pour la sentir ou la mieux regarder peut-être. Puis, sans doute satisfaite de ce qu'elle avait vu, elle fit demi-tour et retourna dans la stalle, révélant par la même occasion un petit poulain qui la regardait craintivement. Pjetur crut bon d'expliquer la situation :

« Habituellement les chevaliers qui peuvent en avoir un rencontrent leur destrier et se familiarisent avec lui dans l'enfance. Cependant, comme, toi, tu as eu un parcours… différent, tu n'as pas pu en rencontrer un. Tu sais, le lien qu'on tisse avec un destrier, ce n'est pas comme avec un autre cheval, c'est comme avec un véritable ami. C'est pourquoi, ils n'acceptent généralement qu'un seul maître dans leur existence, ils le suivent même parfois dans la mort. L'ancien maître d'Adsila est mort récemment, elle l'aurait peut-être suivi sans son poulain mais elle a préféré rester en vie. Je suis allé la voir et elle a accepté de te laisser la monter en attendant que tu trouves ton propre destrier, elle ne voulait pas être un poids à entretenir pour les enfants de son précédent maître. »
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Nilahiah Qel'Nêphtis
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Re: [Printemps 4602] Les enseignements d'Aton
posté le Mar 8 Déc - 19:14

Bien que je l’eus reconnu de suite à l’entrée des écuries du Seigneur Noble, je ne pus retenir un sursaut lorsque Pjetur prononça mon nom en s’écriant comme s’il quittait violemment un rêve. Le jeune Elfe se tenait devant le grand bâtiment et s’empressa de me faire signe de le suivre. Bien qu’il ne fut pas très épais, il fallut qu’il s’écarte pour me laisser passer afin que je puisse voir ce qu’il souhaitait me montrer par dessus tout. Son sourire était immense, il trépignait d’impatience, je le voyais bien. Je fronçai les sourcils, visiblement surprise par la surprise que m’apportait mon ami. A l’intérieur de la stalle se tenait une fière jument à la robe baie parsemée de taches blanches. Je n’écoutais plus Pjetur que d’une oreille distraite, sa voix se faisant lointaine alors que la jument s’approchait de ma main tendue vers elle pour la renifler. Je répétai son nom à voix basse, comme pour m’en imprégner :

« Adsila. »

La jument se détourna de moi, j’en fus un peu déçue, mais elle ne semblait pas totalement indifférente. Elle révéla ainsi le trésor qu’elle cachait derrière sa grande taille : un poulain ! Mes yeux s’agrandirent de surprise devant ce spectacle. Je me tournai vers Pjetur qui m’expliqua les raisons de la présence d’Adsila et de son petit.

« C’est… terrible. Je n’avais pas idée qu’un destrier puisse être autant lié à son partenaire au point de ne pas survivre sans lui. Sous le Dôme, ils ne nous apprennent pas que toutes les créatures sont douées d’empathie et d’amitié. Bien qu'Aton soit en toute chose, il n’y a guère que la race des Anges qui compte vraiment là-haut. Alors qu’Aton pourvoie chaque être vivant de son don sur cette terre. C'est si beau. Elle est si belle ! »


J’avais parlé pour moi-même, révélant mes pensées désordonnées à voix haute. Je me tournai alors vers l’Elfe pour lui dire :

« J’ai tellement de questions Pjetur, mais je veux d’abord te remercier. Ce n’est pas n’importe quelle surprise et je ne sais comment t’exprimer ma gratitude. »

J’osai tendre vers lui une main tremblante d’émotion et toucher son épaule en un geste amical que je ne m’étais jusqu’ici jamais permis. Je poursuivis avant de lui laisser le temps de répondre :

« Merci, Pjetur. Profondément. J’espère être digne de la confiance que vous placez en moi tous les deux, Adsila et toi. »

Je relâchai son épaule pour m’appuyer sur la porte de la stalle et contempler la mère et son petit.
« Où l’as-tu trouvée ? Qui était son ancien maître ? Et… comment se nomme son petit ? »
Lorsqu’il aurait achevé de répondre à mes questions ou de laisser planer le mystère, je me tournerais dans sa direction pour lui demander, d’une petite voix presque enfantine :

« Comment puis-je bien m’en occuper ? M’apprendras-tu les savoirs qu’il me manque ? »

Tout un nouveau monde se dessinait devant moi et tant de questions me bouleversaient. Je ne savais pas vraiment si j’étais digne de la confiance que Pjetur fondait en moi. Saurai-je m’occuper de cet être qui avait accepté le fardeau de mon lourd passé ? Pourrai-je seulement saisir cette nouvelle chance de m’occuper d’un autre que moi pour faire le bien ? J’avais eu le sentiment d’échouer avec la formation de Pjetur. Aton me guidera-t-il sur cette voie pour achever ma mission et semer ses enseignements ? Toutefois, malgré mes interrogations, je sentais quelque chose grandir à l’intérieur de moi, une douce chaleur se propager depuis mon ventre jusqu’au bout des mes doigts. Je n’avais pas perdu l’amitié de Pjetur, et cela était plus précieux encore qu’un destrier.
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Eilífthar Heftharkona
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Re: [Printemps 4602] Les enseignements d'Aton
posté le Mer 9 Déc - 22:48

Les pensées désordonnées qu'avait exprimées Nilahiah semblait avoir laissé le jeune écuyer assez étonné et songeur. Se grattant le cou, le regard dans le vide, il paraissait réfléchir à autre chose. Il faut dire que ce genre de révélation sur les conditions des anges de la part de l'une d'entre eux étaient assez rare. Il était déjà inhabituel de croiser l'un des leurs en temps normal, il l'était plus encore de l'entendre parler des secrets qui se cachaient à l'intérieur du Dôme, lieu interdit aux elfes. Mais ces rêveries vagues s'effacèrent bientôt face à la joie partagée des deux amis. Les pointes des oreilles de Pjetur frémissaient du bonheur d'avoir réussi à délivrer sa surprise, et du plaisir de se voir ainsi assailli de question. Esquissant un petit rire, il se mit rapidement en devoir d'y répondre :

« Son ancien maître était un chevalier qui vivant au nord des Terres Nobles, près de la frontière avec les Terres Courtoise. Je doute que son nom te dise quelque chose mais si tu veux vraiment savoir... »

Pjetur s'interrompit un instant et s'approcha plus près de la jeune ange, tellement près qu'il finit par lui murmurer à l'oreille, sur le ton de la confidence :

« Il s'appelait Freythór. »

Puis, tandis qu'il constatait la mine surprise de son interlocutrice, en revenant à sa place, il se justifia sur cette soudaine action :

Je n'ai pas trop envie de laisser Adsila entendre prononcer son nom, cela lui pèserait et la mettrait de mauvaise humeur. »

D'ailleurs, comme pour ponctuer ses paroles, la vieille Adsila renifla un coup et s'approcha d'eux avec un regard interrogateur, comme si elle se demandait ce qu'ils faisaient. Pjetur enchaîna avec un autre sujet :

« Son poulain n'a pas de nom. Par tradition, ce sera le chevalier qu'il choisira qui le lui attribuera. Mais ce petit est encore un peu jeune pour devenir le destrier d'un chevalier et commencer son entraînement. Il faudra sans doute attendre encore quelques années pour qu'il soit en âge, et d'autres années supplémentaires pour qu'il choisisse. »

Mais c'était bien loin d'être la fin des questions de l'ange et celle renchérit avec une nouvelle suite de questions. À celles-ci, il se contenta simplement de l'inviter de la main à le suivre plus loin à l'intérieur de l'écurie, Adsila ayant déjà pris, quant à elle, le parti de le suivre. De fait, au fond de l'écurie trônaient diverses brosses et autres instruments étranges que Pjetur prit soin de présenter :

« Voilà l'étrille, le bouchon, la brosse douce, le peigne, le cure-pied et l'éponge. Tu vas en avoir besoin pour prendre soin d'Adsila. »

Puis le jeune écuyer se mit en œuvre de lui montrer dans quel ordre, comment et où utiliser chacun des instruments uns à un, en lui faisant l'exemple avec la complicité de la vieille jument. D'abord l'étrille sur les parties charnues pour enlever la boue. Le bouchon pour chasser la poussière. La brosse douce pour lustrer sa robe. Il lui montra comment en démêler les crins et la queue, comment est-ce qu'il fallait lui curer le pied et quels espaces il fallait éviter de toucher pour ne pas lui faire mal. Il lui expliqua tout ce qu'elle aurait besoin de faire, idéalement tous les jours ou du moins régulièrement pour garder un lien avec la jument baie. Si elle l'oubliait parfois, Adsila saurait aller réclamer ses soins auprès d'un palefrenier mais elle lui en voudrait après. Celle-ci renchérit même avec un reniflement.

Puis, tandis qu'il venait de lui montrer toutes les étapes du pansage et qu'ils étaient retournés devant son box sans porte, comme celui de tous les autres destriers, Pjetur s'osa à lui demander timidement, en ayant conscience de sa question sortait un peu de n'importe où :

« Dis-moi.... Est-ce qu'ils sont tous comme toi, là-bas, au Dôme ? Puis voyant son expression confuse, il rajouta bien vite : Je veux dire... Elínór m'a parlé des anges avec des termes assez sombres. Il n'a pas l'air de les aimer beaucoup... Mais toi, toi, tu es complètement différente de l'image qu'il m'en a fait. Tu n'es pas hautaine avec nous, comme si tu nous considérais comme issus d'une race inférieure, avec une sorte de "condescendance affectueuse" pour ainsi mieux nous garder sous leur pouvoir. Non ! Au contraire, quand je parle avec toi, tu as l'air de tenter de me traiter comme un égal, même avec moi dont un des parents est un elfe sylvain, ce qui me fait parfois mépriser même d'autres hauts elfes. Tu ne donnes pas non plus l'impression de vouloir me faire souffrir, comme le vieux Théo. Alors, je ne sais pas vraiment quoi en penser... Est-ce que les anges sont vraiment comme cela ? »

Le jeune elfe se rendait compte qu'il l'avait en quelque sorte insultée, ou plus précisément insulté sa race, ce qui était pire. Et il avait l'air très embarrassé. La tête ainsi baissée, comme pour demander pardon, il ressemblait à l'image qu'elle en avait eu, lorsqu'elle l'avait rencontré pour la première dans l'écurie humble, la joues rougissant de honte et se frottant machinalement le haut de la nuque, tout en tentant vainement de se justifier :

« Je ne voulais pas t'off... c'est juste ce que j'ai entendu d'Elínór... et ça semblait vrai, alors... »

Puis, après avoir pris une grande inspiration, son regard montant un nouveau, se colorant d'un bleu plus déterminé, il hasarda d'une voix plus calme :

« Mais c'est vrai pour les autres, non ? »
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Nilahiah Qel'Nêphtis
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Re: [Printemps 4602] Les enseignements d'Aton
posté le Mar 29 Déc - 22:54

Si Pjetur répondit à chacune de mes interrogations spontanées à l’image de celles d’un enfant, ce fut avec sa simplicité et sa bienveillance habituelles. Mes confidences sur la vie sous le Dôme ne me paraissaient pas si intéressantes et il me semblait que l’Elfe les avait également balayées aussitôt entendues. Ainsi, l’ancien propriétaire de la belle Adsila se nommait Freythór. Avec toute la délicatesse dont il pouvait être capable dès qu’il était question d’animaux, et en particulier d’équidés, Pjetur m’avait délivré ces informations à voix basse afin de ne pas blesser la jument. Je retins pour moi ce précieux conseil qui m’éviterait probablement de heurter la sensibilité de l’animal. Mon objectif n’était surtout pas de lui faire du mal. Pjetur m’apprit également que c’était le cheval qui choisissait son chevalier, et non l’inverse. Un sourire mélancolique traversa mon visage tandis que mes yeux se posaient sur le poulain et ses frêles jambes, qui étaient pourtant déjà si fortes.

Probablement lassé de mes questions, ou bien désireux de m’en faire voir davantage, Pjetur m’invita à le suivre avec un air mystérieux. Il me guida jusqu’au fond de l’écurie, suivi par Adsila et son petit qui n’était jamais bien loin d’elle. Je fronçai les sourcils et m’efforçai de répéter après Pjetur les noms des différent instruments qu’il venait d’évoquer. Je les désignais les uns après les autres tout les montrant du doigt :

« Etrille, bouchon, brosse… douce ? Peigne, cure-pied et éponge ? »

Voyant que j’avais plutôt bien mémorisé les enseignements de Pjetur, celui-ci me fit la démonstration de l’utilisation de chaque brosse. Je le regardais faire, fascinée à la fois par ses connaissances et sa technique. Ses gestes étaient efficaces, rapides, coutumiers. Alors que l’Elfe me montrait son savoir-faire, je ne posai aucune question. Tout me semblait clair et limpide, mais je savais qu’il me faudrait quelques temps pour m’habituer à ces nouvelles taches. J’étais bien décidée à donner le meilleur de moi-même et surtout de mon temps pour fonder une relation profonde avec la jument baie. J’aspirais à, si seulement cela était un tant soit peu possible, communiquer avec Adsila aussi bien que le faisait l’Elfe. Sans forcément utiliser les mots, simplement se comprendre et fonder une complicité. Si cela me semblait bien ardu, je n’en avais pas moins hâte d’entreprendre cette nouvelle aventure.

Alors que nous revenions au boxe d’Adsila, Pjetur m’interrogea sur les habitants du Dôme. Sa question, parvenue au milieu de la conversation comme une pierre dans la mare, me déstabilisa. Voyant ma gêne, il poursuivit et m’expliqua son cheminement de pensée. Elínór… Les pensées qui me vinrent suite au récit de Pjetur m’embrumèrent l’esprit, me ramenant aux temps où je vivais sous le Dôme, auprès des miens et au plus proche d’Aton. J’avais le sentiment que cette époque était si lointaine, cette vie avait le goût d’un rêve d’enfant aux couleurs tronquées. J’ouvris les lèvres mais les mots ne me vinrent pas. Mes yeux se voilèrent et je détournai le regard pour tourner mon visage dans la direction de la belle Adsila. Je n’avais jamais été aussi proche du Disque qu’ici. Mais comment l’avouer ? Comment dire à Pjetur que la plupart des Anges étaient emplis de vanité, de l’abject désir de dominer, que leurs pouvoirs leurs conféraient un statut qu’ils ne méritaient pas ? Je soupirai, amère. J’avais été exclue de mon peuple pour avoir fait le Bien et m’en être défendue. Aton ne pouvait se trouver dans le coeur de tous les Anges. Pourtant, il faudrait bien pardonner ou punir pour avancer. Joignant mes mains pour en calmer les tremblements, je me retournai vers Pjetur. Il avait relevé les yeux vers moi, gêné par sa question maladroite, sans doute aussi par les propos d’Elínór qu’il me rapportait. Il ressemblait au Pjetur que j’avais rencontré pour la première fois, se tordant presque d’une jambe sur l’autre, les joues rougissantes. Je m’efforçai de lui sourire, un rictus douloureux, et je dus m’éclaircir la voix pour lui répondre :

« Comme pour toutes les races, il y a des cœurs plus ou moins purs. Retiens bien cela, Pjetur, car dans tout ce que je vais te confier, il ne faudra pas faire de généralités. »


A mesure que je prenais la décision de lui faire ces révélations sur mon passé, ma voix s’éclaircissait et je savais au fond de moi quelles informations je désirais lui livrer. Mes mains se séparèrent pour saisir le rebord au bois qui bordait les stalles avant de s’ouvrir pour laisser un passage pour les animaux. Je repris, ne laissant pas mes yeux rencontrer une seule fois ceux de Pjetur.

« Les Anges que t’a décrit Elínór existent, malheureusement. J’étais l’une d’elles autrefois. Ma famille était privilégiée, assez riche, et lorsque j’étais enfant je n’ai pas profité de ces dons de la bonne manière. Fort heureusement, Aton m’a mis sur la route d’une personne qui n’avait rien et qui a pourtant pris soin de moi comme si j’étais un précieux trésor. J’ai alors vu qu’Aton n’était pas juste la toute puissance angélique mais qu’il résidait au fond de nos coeurs. »

Je puisais la force en moi pour me retourner et soutenir le regard de Pjetur. Si mon visage était attristé par le récit que je faisais, j’espérais fortement que l’Elfe ne me jugerait pas sur mes actes passés.

« Cette rencontre a changé ma vision du monde et d’Aton. J’ai reçu la mission de venir en aide aux démunis, aux âmes perdues loin du Disque et de sa lumière. Je ne pourrais pas encore te dire pourquoi j’ai quitté le Dôme mais sache que cela est arrivé parce que des Anges au coeur impur n’étaient pas en accord avec ma façon de voir la création divine. »


Sur ces derniers mots, ma voix vibrait d’une légère colère, encore émue et choquée par ce que j’avais accompli de mauvais là-bas. Je devais me racheter dans cette nouvelle vie.

« Ta question ne m’a pas offensée, Pjetur, parce qu’elle venait de toi et que tu étais sincèrement curieux. Elle a ravivé des souvenirs qui ne sont pas forcément très agréables, comme tu peux le voir. J’espère que tu ne me jugeras pour ce que je viens de te confier. Elinor avait à moitié raison, comme tu peux le voir. Sais-tu d’où il tient ces renseignements si précis ? »

La question se posait. Elinor avait-il pu rencontrer des Anges du Dôme ? Les Anges itinérants n’étaient en général pas ceux du Dôme. Une petite conversation s’imposerait avec le Haut-Elfe afin d’en savoir davantage.
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